Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

17 octobre 2010

Le réveil des consciences

(Note : C’est pour les paroles des chansons que les liens Youtube sont indiqués)

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Toute vie naît, s’étend, décroit, et meurt. Toute vie enrichit le monde par l’intérêt qu’elle lui porte. Toute vie périt d’un trop grand désintérêt pour le monde. Notre vie d’abord s’élance, puis se modifie imperceptiblement, et s’écarte si profondément que l’effort ne peut être soutenu. La première déviation de cet intérêt pour la vie, voilà la cause du déclin. C’est aussi la première courbure des rayons du Soleil, lorsqu’il rejoint l’Ouest. La première acceptation, la première soumission, voilà l’origine de la corruption. Le rayon s’éteint, le rayon s’éprend, s’emprisonne, se piège, se détache, s’attache à refléter, à mettre en relief, donner de la consistance aux objets, aux ombres, pour figer quelques fantaisies dans le flux du temps. Nous sommes ces rayons.

Nous n’avons aucune limite, existons en toute chose, partageons la chaleur du monde. Il y a aussi peu d’espace entre l’image et l’être que de temps qu’il faut à l’antenne d’une fourmi pour tâter l’air de sa vibration. Mais comme un être blotti sous d’épaisses couvertures, nous nous abritons derrière les images de la grande illusion. Nous, Rayons brisés, enlaçons passionnément d’insaisissables mirages, espoirs, qui s’obscurcissant, deviennent sépultures. Comme si le navire retenait l’ancre plus que l’ancre le navire. Nous pensons ’demain’, et nous aimons ’demain’, et nous désirons ’demain’, et toujours ’demain’ est cette ancre fluctuante et incertaine. Or demain ne se voit pas, ne s’entend pas, n’est rien de substantiel, ne peut pas s’appeler, se craindre, se mouvoir, s’épancher, s’éterniser.

Demain n’a de réalité que lorsque nous pensons à demain. Le passé n’est pas passé, le passé est ici et le demain n’est pas à attendre, le demain est ici. Il n’y a pas cet inconnu incompréhensible, qui étroitement, se loge dans l’hier et le demain, et cherche à se faufiler... Comment peut-on dénier à ce point le présent ? Serait-il possible à un corps d’ignorer ses membres ? Nos bras et nos jambes ne sont pas d’âges différents, ni d’humeurs contraires. De même nous sommes un. Hier et demain sont un. Cette union n’est divisée que par le déclin des rayons. Aujourd’hui n’a pas plus de réalité qu’hier, car hier est aujourd’hui, comme deux bras sont attachés au même corps. Le temps passe ? Le voyageur passe-t-il sur le chemin, ou le chemin, ce chemin serpentiforme, passe-t-il sous les pieds du voyageur ? Le « là » d’hier, le « là » de demain, s’écrivent-t-ils différemment ? Saturne dévore ses fils — la chair du vieillard et celle du nouveau-né sont-elles dissemblables ? Une rivière qui s’écoule, son corps aqueux est-il autre à chaque instant ? Si nous, pèlerins du temps, ne pouvons entrer deux fois dans une même rivière, cette rivière n’a-t-elle jamais existée ? Souvenons-nous de ce petit chemin sans queue ni tête...

La conscience toujours EST, en toutes circonstances. Le temps ne l’affecte pas. Il est possible de revenir à un dernier instant de conscience par un « glissement temporel ». Nous ne pouvons pas déplacer le « curseur » de notre conscience comme celui accompagnant la lecture d’un film, en raison du nombre de liens, de notre implication, notre identification extrême, dans les scènes du film. Mais plus « nous sommes ce que nous sommes », moins « nous sommes le film », et les liens s’amenuisent, ouvrant la voie à la seule véritable liberté. « Être soi », c’est non pas revêtir une forme, un contenant, c’est être apte à accueillir l’énergie qui permettent leur existence. Cependant, à la fois forme et à la fois énergie, notre être est de nature double, « participante ».

Courir dans le vide, être pressé par la vie, est-ce là le destin des hommes, qui s’élancent vers un « nul part », qui oublient leurs origines. Qui vont sans cesse, ici, là, sans rien apprendre, glanant la vermine et la misère, d’une mer à l’autre. Qui sont comme des bolides que rien n’arrête, dans le ciel voilé des outrages horrifiants, que subit impuissante l’ombre douce et triste du temps passé de l’instant présent. En ce monde, le soleil et la lune toujours séparées nous jettent dans l’alternance du temps — cette ronde, ce sortilège, ce cercle doré. La réconciliation seule dissipe les cristaux de glace à la porte du soleil. Alors l’univers calfeutré se réveille et se révèle, embaumant d’un nuage le passage du labeur.

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Réunion tant attendue des deux lointaines polarités, épanouissement du lys couronnant le bulbe nutritif... Promesse d’une harmonie retrouvée entre terre et ciel... Car souvenez-vous... ce qui est perdu doit être retrouvé, ce qui est ajouté doit être enlevé. Quelle force puissante parvient pourtant à pétrifier d’une forme unique, l’infinie fontaine des possibilités ? Comme une argile malléable, comme un gaz éthéré, toutes formes nous pouvons adopter, mais quel est le contenu, qui semble nous retenir ? Quelle énergie pourtant, se trouve dans l’eau, dans l’air, qui d’elle-même, adopte la forme du contenant et ô surprise, la conserve, jusqu’à ce que l’énergie faiblisse, redescende dans les abimes, et reforme ailleurs, une autre « forme de vie » ?

Quel étrange ciseau, fait de notre vie arborescente, un bonsaï tortueux ? D’un, devenu deux, et dans le temps, mille ? Moule de plâtre, coquille d’œuf, amphore ou coupe, autant de réceptacles qui comme notre crâne, renferment, reçoivent et recueillent, la virevoltante vie versée par une source oubliée. D’une mystérieuse abondance jaillit la vie, et cet influx gracieux a pour origine un horizon qui s’étend aux limites de ce que nous pensons réel. Un rivage délimite l’île de la réalité, sur lequel parfois s’échouent d’étonnantes créatures du grand large. Perdus et sans défenses, nous sommes près de ce rivage incertain, comme devant l’inconnu, le merveilleux. Comme avec soi-même. Ici, la chouette voit dans l’obscurité, le dauphin fuse parmi les vagues, et pareil à eux, l’enfant ne craint sa propre magie. C’est elle que laisse entendre le terrier du grillon. Robinson aussi, avait son antre mystérieuse et dévorante, dans lequel il s’enfouissait, comme le font les chenilles lorsque l’heure de la transformation est arrivée. L’union, dont le sort est incertain, nécessite l’obscuritéd’une cavité souterraine, au cœur de la Terre, à l’abri des machines.

Bien que routinière, l’affolante continuité des habitudes est un insondable effort, car elle adjoint à sa course, pour son bon fonctionnement, un regard, une culture, une interprétation particulière du monde, une limitation. Or la seule différence entre les « formes de vie » est leur niveau de perception. Ce que nous voyons détermine ce que nous sommes. La concentration demande un effort, mais l’attention est autre chose. Ce que le jour sépare, la nuit réunit. Ce que la nature expire le jour, elle l’inspire la nuit. Ce qu’elle expire l’été, elle l’inspire l’hiver. Le sang nourrit d’oxygèneles organes. Nourrissons-les aussi de la vie elle-même ! La flamme de vie, claire et simple, n’est pas l’agrégat d’atomes arrachés. L’esprit seul peut liquéfier de sa chaleur, la forme de la cire. La conscience qui adoptait la forme de la cire peut ainsi adopter la forme de la flamme. Devenir la flamme elle-même et rien d’autre que la flamme. Cet esprit n’est pas seulement une flamme. Lorsque l’esprit s’alimente, il est une flamme. Lorsque l’esprit nourrit, il est une source vive. La flamme a parfois tant de mal à consumer les excès, le superflu, et l’inutile, qu’elle est asphyxiée par sa propre fumée. Le mouvement s’arrête, l’eau se change en glace. Une infime chaleur suffit pourtant à la faire fondre, et à redéployer sa force originelle. Une chaleur plus forte la fait rejoindre l’air et le vent. Ce sont encore une fois les contraires qui s’affrontent, la force créatrice rouge produisant des formes dans le substrat bleu, celui de toutes les possibilités. Le passé rougeâtre des anciennes photographies, le décor bleuâtre des prévisions prochaines ; la cardiaque émotion, l’analytique intellect, ont besoin d’être fixés dans le « sel » du Présent, c’est-à-dire la jaune lumière de l’influx spirituel. Les bâtisseurs des cathédrales ont su associer dans les vitraux, à la perfection, ces trois couleurs primaires.

La conscience surgit parfois, comme un rayon qui féconde la matière. Ce sont des moments particuliers qui unissent les reflets de nos vies, comme autant de pièces qui demandent à être « collectionnées » et associées, jusqu’à former la sensation distincte du Je Suis de notre véritable nature : énergétique et libre. Toute « conscience » est « présente » par définition, de même que chaque goutte de sang se trouve dans le même corps. Et comme le sang, la conscience a parfois du mal à circuler, certaines artères, certaines branches, sont mortes et asséchées. La conscience s’enfonce douloureusement sous le poids de ses « enfants » — chaque pulsion, chaque habitude, chaque forme et chaque trait de notre personnalité, comme autant de poussins sur le dos d’une bienveillante mère. Celle-ci, comme la conscience, se tient dans une vigilance tranquille mais ne peut surveiller et protéger tous ces petits êtres. Chacun d’entre eux devront reprendre leur place sous ses ailes. Ainsi elle les « rappelle », et nous aussi, nous rappelons les nombreux souvenirs actifs — autant de petits êtres — que nous avons cédés aux méandres de l’oubli. Tout ce qui « reviendra à l’esprit » pourra alors surprendre, positivement comme négativement.

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La vie paraît bien longue si nous nous projetons dans « l’avenir » en imaginant que l’histoire à laquelle nousobéissons se répétera. Nous nous imaginerions alors essoufflés, esseulés, dévitalisés à l’approche de la mort. C’est en effet l’avenir qui nous attend si la conscience n’éclaire pas nos traces de sa sagesse. Toutes les possibilités nous échapperaient. « Tout » ou « rien » ne supposent ni limite, ni anticipation. Le chemin se construit au fur et à mesure de la marche, comme un rêve qui se tisse, comme un tableau, le motif achevant l’intention. Mais si nous décidons à l’avance de ce que nous voulons y peindre, au lieu d’accepter le « tout » ou le « rien » de la toile, que nous voudrions par exemple y mettre du « blanc », l’univers se chargera de mettre du « noir » pour donner au blanc sa réalité. En somme, tout désir de notre part est automatiquement équilibré. C’est le « réel » mais aussi un « terrain d’expérimentation » libre. Le monde semblant « réel » et « solide » maintenant, ne sera plus qu’un souvenir dans quelques jours. Mais il n’était pas plus « réel » ni « solide » il y a une minute, ne persistant plus que dans la mémoire. La « solidité » du monde est donc extrêmement paradoxale, mais pourtant elle nous affecte. Plus paradoxal encore, plus son « irréalité » spirituelle sous-jacente est ignorée, plus sa « réalité » matérielle apparente nous affecte. Il est donc faux de dire que la vapeur est plus « irréelle » que la glace. Vapeur et eau nous affectent, mais de différentes façons.

Ainsi, nous sommes partagés entre deux états de la matière, nous sommes parvenus à la croisée des chemins, comme Janus ou Hécate. Ne pas choisir signifie revenir encore, encore, encore et encore, devant ce même « embranchement ». C’est un choix entre l’énergie, la vie, la lumière, ou la matière, la matière, la mort. Lorsqu’un contenu hautement énergétique est retenu dans une enceinte, celle-ci est souvent contrainte de céder et les effets sont dévastateurs, destructeurs. Il s’agit des « pulsions », des « passions » et autres mouvements qui résultent d’une réaction à l’oppression de l’énergie. Cette violence ne peut exister lorsque l’expression de l’énergie est naturelle et entière, lorsqu’elle s’écoule sans aucun obstacle. « Aimer » est un terme que l’on donne parfois à cette admiration active. Plus il y a de limites à l’expression de l’énergie, plus les besoins sont importants et plus un être a de besoins, plus il est « contrôlable » ou « manipulable ». Ce n’est pas dans ces besoins, ces récompenses, ces attentes et ces satisfactions que se trouve le réel bonheur ; comme le dit la comptine, Pierrot – la matière – n’a pas de lume – de lumière – pour écrire un mot.