Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

17 octobre 2010

Comme des petits soldats de plomb qui s'avancent vers leur unique et seul but -

L'auguste et lointaine mort.


Les eaux pénètrent les terres et les fertilise. Je suis la terre, l'eau, c'est le monde. Ainsi le printemps naît. Lorsque le soleil brûle la terre, elle porte ses fruits. Ma nature céleste est ce soleil, ses fruits sont mes ailes.

Pas de structure. Pas de forme. Pas d'équilibre amer. Pas de ligature. Pas de lieu. Pas de place. En dessous est le feu, au-dessus est le feu. Rien d'autre.

Le jeu de la vie consiste à saisir l'essence des choses. Nous savons qu'elle existe néanmoins nous ne savons comment l'approcher.

Le réveil des consciences

(Note : C’est pour les paroles des chansons que les liens Youtube sont indiqués)

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Toute vie naît, s’étend, décroit, et meurt. Toute vie enrichit le monde par l’intérêt qu’elle lui porte. Toute vie périt d’un trop grand désintérêt pour le monde. Notre vie d’abord s’élance, puis se modifie imperceptiblement, et s’écarte si profondément que l’effort ne peut être soutenu. La première déviation de cet intérêt pour la vie, voilà la cause du déclin. C’est aussi la première courbure des rayons du Soleil, lorsqu’il rejoint l’Ouest. La première acceptation, la première soumission, voilà l’origine de la corruption. Le rayon s’éteint, le rayon s’éprend, s’emprisonne, se piège, se détache, s’attache à refléter, à mettre en relief, donner de la consistance aux objets, aux ombres, pour figer quelques fantaisies dans le flux du temps. Nous sommes ces rayons.

Nous n’avons aucune limite, existons en toute chose, partageons la chaleur du monde. Il y a aussi peu d’espace entre l’image et l’être que de temps qu’il faut à l’antenne d’une fourmi pour tâter l’air de sa vibration. Mais comme un être blotti sous d’épaisses couvertures, nous nous abritons derrière les images de la grande illusion. Nous, Rayons brisés, enlaçons passionnément d’insaisissables mirages, espoirs, qui s’obscurcissant, deviennent sépultures. Comme si le navire retenait l’ancre plus que l’ancre le navire. Nous pensons ’demain’, et nous aimons ’demain’, et nous désirons ’demain’, et toujours ’demain’ est cette ancre fluctuante et incertaine. Or demain ne se voit pas, ne s’entend pas, n’est rien de substantiel, ne peut pas s’appeler, se craindre, se mouvoir, s’épancher, s’éterniser.

Demain n’a de réalité que lorsque nous pensons à demain. Le passé n’est pas passé, le passé est ici et le demain n’est pas à attendre, le demain est ici. Il n’y a pas cet inconnu incompréhensible, qui étroitement, se loge dans l’hier et le demain, et cherche à se faufiler... Comment peut-on dénier à ce point le présent ? Serait-il possible à un corps d’ignorer ses membres ? Nos bras et nos jambes ne sont pas d’âges différents, ni d’humeurs contraires. De même nous sommes un. Hier et demain sont un. Cette union n’est divisée que par le déclin des rayons. Aujourd’hui n’a pas plus de réalité qu’hier, car hier est aujourd’hui, comme deux bras sont attachés au même corps. Le temps passe ? Le voyageur passe-t-il sur le chemin, ou le chemin, ce chemin serpentiforme, passe-t-il sous les pieds du voyageur ? Le « là » d’hier, le « là » de demain, s’écrivent-t-ils différemment ? Saturne dévore ses fils — la chair du vieillard et celle du nouveau-né sont-elles dissemblables ? Une rivière qui s’écoule, son corps aqueux est-il autre à chaque instant ? Si nous, pèlerins du temps, ne pouvons entrer deux fois dans une même rivière, cette rivière n’a-t-elle jamais existée ? Souvenons-nous de ce petit chemin sans queue ni tête...

La conscience toujours EST, en toutes circonstances. Le temps ne l’affecte pas. Il est possible de revenir à un dernier instant de conscience par un « glissement temporel ». Nous ne pouvons pas déplacer le « curseur » de notre conscience comme celui accompagnant la lecture d’un film, en raison du nombre de liens, de notre implication, notre identification extrême, dans les scènes du film. Mais plus « nous sommes ce que nous sommes », moins « nous sommes le film », et les liens s’amenuisent, ouvrant la voie à la seule véritable liberté. « Être soi », c’est non pas revêtir une forme, un contenant, c’est être apte à accueillir l’énergie qui permettent leur existence. Cependant, à la fois forme et à la fois énergie, notre être est de nature double, « participante ».

Courir dans le vide, être pressé par la vie, est-ce là le destin des hommes, qui s’élancent vers un « nul part », qui oublient leurs origines. Qui vont sans cesse, ici, là, sans rien apprendre, glanant la vermine et la misère, d’une mer à l’autre. Qui sont comme des bolides que rien n’arrête, dans le ciel voilé des outrages horrifiants, que subit impuissante l’ombre douce et triste du temps passé de l’instant présent. En ce monde, le soleil et la lune toujours séparées nous jettent dans l’alternance du temps — cette ronde, ce sortilège, ce cercle doré. La réconciliation seule dissipe les cristaux de glace à la porte du soleil. Alors l’univers calfeutré se réveille et se révèle, embaumant d’un nuage le passage du labeur.

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Réunion tant attendue des deux lointaines polarités, épanouissement du lys couronnant le bulbe nutritif... Promesse d’une harmonie retrouvée entre terre et ciel... Car souvenez-vous... ce qui est perdu doit être retrouvé, ce qui est ajouté doit être enlevé. Quelle force puissante parvient pourtant à pétrifier d’une forme unique, l’infinie fontaine des possibilités ? Comme une argile malléable, comme un gaz éthéré, toutes formes nous pouvons adopter, mais quel est le contenu, qui semble nous retenir ? Quelle énergie pourtant, se trouve dans l’eau, dans l’air, qui d’elle-même, adopte la forme du contenant et ô surprise, la conserve, jusqu’à ce que l’énergie faiblisse, redescende dans les abimes, et reforme ailleurs, une autre « forme de vie » ?

Quel étrange ciseau, fait de notre vie arborescente, un bonsaï tortueux ? D’un, devenu deux, et dans le temps, mille ? Moule de plâtre, coquille d’œuf, amphore ou coupe, autant de réceptacles qui comme notre crâne, renferment, reçoivent et recueillent, la virevoltante vie versée par une source oubliée. D’une mystérieuse abondance jaillit la vie, et cet influx gracieux a pour origine un horizon qui s’étend aux limites de ce que nous pensons réel. Un rivage délimite l’île de la réalité, sur lequel parfois s’échouent d’étonnantes créatures du grand large. Perdus et sans défenses, nous sommes près de ce rivage incertain, comme devant l’inconnu, le merveilleux. Comme avec soi-même. Ici, la chouette voit dans l’obscurité, le dauphin fuse parmi les vagues, et pareil à eux, l’enfant ne craint sa propre magie. C’est elle que laisse entendre le terrier du grillon. Robinson aussi, avait son antre mystérieuse et dévorante, dans lequel il s’enfouissait, comme le font les chenilles lorsque l’heure de la transformation est arrivée. L’union, dont le sort est incertain, nécessite l’obscuritéd’une cavité souterraine, au cœur de la Terre, à l’abri des machines.

Bien que routinière, l’affolante continuité des habitudes est un insondable effort, car elle adjoint à sa course, pour son bon fonctionnement, un regard, une culture, une interprétation particulière du monde, une limitation. Or la seule différence entre les « formes de vie » est leur niveau de perception. Ce que nous voyons détermine ce que nous sommes. La concentration demande un effort, mais l’attention est autre chose. Ce que le jour sépare, la nuit réunit. Ce que la nature expire le jour, elle l’inspire la nuit. Ce qu’elle expire l’été, elle l’inspire l’hiver. Le sang nourrit d’oxygèneles organes. Nourrissons-les aussi de la vie elle-même ! La flamme de vie, claire et simple, n’est pas l’agrégat d’atomes arrachés. L’esprit seul peut liquéfier de sa chaleur, la forme de la cire. La conscience qui adoptait la forme de la cire peut ainsi adopter la forme de la flamme. Devenir la flamme elle-même et rien d’autre que la flamme. Cet esprit n’est pas seulement une flamme. Lorsque l’esprit s’alimente, il est une flamme. Lorsque l’esprit nourrit, il est une source vive. La flamme a parfois tant de mal à consumer les excès, le superflu, et l’inutile, qu’elle est asphyxiée par sa propre fumée. Le mouvement s’arrête, l’eau se change en glace. Une infime chaleur suffit pourtant à la faire fondre, et à redéployer sa force originelle. Une chaleur plus forte la fait rejoindre l’air et le vent. Ce sont encore une fois les contraires qui s’affrontent, la force créatrice rouge produisant des formes dans le substrat bleu, celui de toutes les possibilités. Le passé rougeâtre des anciennes photographies, le décor bleuâtre des prévisions prochaines ; la cardiaque émotion, l’analytique intellect, ont besoin d’être fixés dans le « sel » du Présent, c’est-à-dire la jaune lumière de l’influx spirituel. Les bâtisseurs des cathédrales ont su associer dans les vitraux, à la perfection, ces trois couleurs primaires.

La conscience surgit parfois, comme un rayon qui féconde la matière. Ce sont des moments particuliers qui unissent les reflets de nos vies, comme autant de pièces qui demandent à être « collectionnées » et associées, jusqu’à former la sensation distincte du Je Suis de notre véritable nature : énergétique et libre. Toute « conscience » est « présente » par définition, de même que chaque goutte de sang se trouve dans le même corps. Et comme le sang, la conscience a parfois du mal à circuler, certaines artères, certaines branches, sont mortes et asséchées. La conscience s’enfonce douloureusement sous le poids de ses « enfants » — chaque pulsion, chaque habitude, chaque forme et chaque trait de notre personnalité, comme autant de poussins sur le dos d’une bienveillante mère. Celle-ci, comme la conscience, se tient dans une vigilance tranquille mais ne peut surveiller et protéger tous ces petits êtres. Chacun d’entre eux devront reprendre leur place sous ses ailes. Ainsi elle les « rappelle », et nous aussi, nous rappelons les nombreux souvenirs actifs — autant de petits êtres — que nous avons cédés aux méandres de l’oubli. Tout ce qui « reviendra à l’esprit » pourra alors surprendre, positivement comme négativement.

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La vie paraît bien longue si nous nous projetons dans « l’avenir » en imaginant que l’histoire à laquelle nousobéissons se répétera. Nous nous imaginerions alors essoufflés, esseulés, dévitalisés à l’approche de la mort. C’est en effet l’avenir qui nous attend si la conscience n’éclaire pas nos traces de sa sagesse. Toutes les possibilités nous échapperaient. « Tout » ou « rien » ne supposent ni limite, ni anticipation. Le chemin se construit au fur et à mesure de la marche, comme un rêve qui se tisse, comme un tableau, le motif achevant l’intention. Mais si nous décidons à l’avance de ce que nous voulons y peindre, au lieu d’accepter le « tout » ou le « rien » de la toile, que nous voudrions par exemple y mettre du « blanc », l’univers se chargera de mettre du « noir » pour donner au blanc sa réalité. En somme, tout désir de notre part est automatiquement équilibré. C’est le « réel » mais aussi un « terrain d’expérimentation » libre. Le monde semblant « réel » et « solide » maintenant, ne sera plus qu’un souvenir dans quelques jours. Mais il n’était pas plus « réel » ni « solide » il y a une minute, ne persistant plus que dans la mémoire. La « solidité » du monde est donc extrêmement paradoxale, mais pourtant elle nous affecte. Plus paradoxal encore, plus son « irréalité » spirituelle sous-jacente est ignorée, plus sa « réalité » matérielle apparente nous affecte. Il est donc faux de dire que la vapeur est plus « irréelle » que la glace. Vapeur et eau nous affectent, mais de différentes façons.

Ainsi, nous sommes partagés entre deux états de la matière, nous sommes parvenus à la croisée des chemins, comme Janus ou Hécate. Ne pas choisir signifie revenir encore, encore, encore et encore, devant ce même « embranchement ». C’est un choix entre l’énergie, la vie, la lumière, ou la matière, la matière, la mort. Lorsqu’un contenu hautement énergétique est retenu dans une enceinte, celle-ci est souvent contrainte de céder et les effets sont dévastateurs, destructeurs. Il s’agit des « pulsions », des « passions » et autres mouvements qui résultent d’une réaction à l’oppression de l’énergie. Cette violence ne peut exister lorsque l’expression de l’énergie est naturelle et entière, lorsqu’elle s’écoule sans aucun obstacle. « Aimer » est un terme que l’on donne parfois à cette admiration active. Plus il y a de limites à l’expression de l’énergie, plus les besoins sont importants et plus un être a de besoins, plus il est « contrôlable » ou « manipulable ». Ce n’est pas dans ces besoins, ces récompenses, ces attentes et ces satisfactions que se trouve le réel bonheur ; comme le dit la comptine, Pierrot – la matière – n’a pas de lume – de lumière – pour écrire un mot.

12 octobre 2010

Mettre un terme à la folie

L’humanité crépite dans les flammes d’un immense brasier, cependant les rues, les cafés, les bureaux, bref, le monde dans sa quotidienneté semble parfaitement "normal". "C’est ainsi ! Le monde est ainsi. Inutile d’aller plus loin." Dans nos villes, ces laborieuses et muettes fourmilières, les activités humaines "habituelles" se répètent inlassablement. Quelque chose de terrible pourtant, se dissimule dans cette impression de normalité. Il suffit d’y prêter attention. La machine est en route, l’humain-automate est entraîné vers la surface par d’étranges filets. Le banc ne sert plus de refuge à aucun poisson — le banc tout entier est pris au piège.

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Jeppe Hein - Spiral Labyrinth I, 2007

Quel est ce filet ? Il faut imaginer la conscience au centre d’un décor fantastique qui recouvre la réalité de multiples couches de mensonges. Les mensonges, comme autant d’interprétations subjectives de la réalité, tapissent nos multitudes de papiers peints, innombrables, ajoutés les uns après les autres au fil des siècles. Partout, des représentations. Miroirs déformants, grossissants, miroirs aux alouettes. "Alouette, je te plumerai", dit la comptine. La tête en premier, bien sûr, puis le bec, les yeux, les ailes...

"Stories !" s’exclame Lloyd England à propos du conte pour enfant qu’est le 11 septembre. Un très mince fil sépare les espoirs des histoires. Les histoires engendrent des espoirs, qui à leur tour engendrent notre "vie" toute entière. J’ai le sentiment que l’humanité est poussée vers un désir sans fin, et qu’aucun traitement de choc ne résoudrait cette aspiration désespérée. Le monde n’est pas comme nous l’imaginons, il est un cimetière et nous sommes profondément enfouis. Dans l’obscurité, nous contemplons un rêve fabuleux.

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"Toi qui entre ici, laisse toute espérance !"

Nous tenons tant aux promesses qui nous ont été faites, et qui nous font avancer malgré tout. Comment occuper (ou encore mieux, pré-occuper)un con ? Simplement en lui faisant espérer ceci, puis cela, puis encore autre chose, jusqu’à sa mort. Mais croire, c’est déjà mourir. Le piège est referme, le pillage s’opère. Raconter des histoires, c’est devenu pour certains une spécialité. L’industrie du cinéma fonctionne sur des histoires, et à la télé, rien d’autre que des histoires. Cependant, nous payons les places de cinéma et la redevance télévisuelle pour entendre des histoires. Et nous en voulons encore, encore ! Chaque jour, une nouvelle histoire.

Les cernes de l’avenir se remplissent de peine au fur et à mesure que nous avançons sur les pas de la folie. Rien ne fera revenir le monde à son état originel, dénué de toute déraison, à moins de cesser d’espérer, de voir ce qui existe réellement, à savoir, une source incommensurable bien indifférente à toutes nos prétentions.

Tandis que passent les années, défilent les siècles et s’égrènent les millénaires, l’homme ne semble pas avoir évolué. Comment pouvons-nous soutenir la vision effroyable d’un avenir n’ayant aucune substance autre que celle d’une dégradation perpétuelle ? Notre vie n’a de sens qu’à moins de la soumettre à un jeu de perspective qui donne à notre action une amplitude dépassant notre propre existence. Qu’est-ce que l’amour (réel) sinon l’admiration pour une amplitude extraordinaire perçue derrière les différentes facettes de la vie ?

Il est terrible de voir chacun d’entre nous comme hypnotisé par de simples histoires, et marcher au son de la flûte des illuminés comme de simples robots. La vie enseigne que certaines choses sont prévisibles. En réunissant un nombre suffisant de facteurs, l’avenir n’a plus rien d’obscur, mais au contraire, se révèle clair et limpide, car il n’est plus qu’une simple répétition du passé. C’est pourquoi espérer n’a aucun sens, rien de nouveau ne pouvant advenir qui ne se soit déjà produit dans le passé.

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"Les chiens gobent tout ce qu’on peut leur dire" (Alice au pays des merveilles)

Nous avons derrière nous un passé d’horreurs s’amoncelant à un rythme infernal, que peut donc nous apporter le futur ? Nous pourrions même dire que nous sommes les enfants de l’horreur, étant impossible pour nous d’arrêter cette marche folle et dérisoire de zombies décharnés. Et pourtant, nous avançons. Tandis que nous pourrions dire : voici notre fardeau, tournons le dos aux espoirs, et voyons ce que nous avons fait. Oublions toute destinée, car ce n’est rien d’autre qu’un rêve, regardons plutôt sous nos pieds, sur quoi nous marchons, de quoi est fait notre passé, et que se passe-t-il par notre faute, que faisons-nous pour les consciences de chacun de nous sur Terre, qui sont broyées sans pitié aucune.

Voyons ce que nous avons fait, nous, qui devrions être responsables de l’humanité dans son ensemble, et de tous ces êtres qui subissent les pires atrocités dans un silence morbide. Voyons ce que nous pouvons faire, voyons ce qu’il nous reste à faire. Quelles autres questions avons-nous à peser aujourd’hui ? Nous acceptons l’insensé, nous refusons le sensé, pourquoi ? Pour les moribonds, c’est tous les jours Halloween.

Une force terrifiante se loge dans la destruction. C’est une force qui nie la vie. La destruction d’une vie, d’une conscience, demande d’abord de l’oublier, de faire comme si elle n’existait pas. Pour abattre un arbre, il faut d’abord oublier qu’il s’agit d’un arbre. Peut-être en y voyant à sa place objet vert et feuillu, un parmi tant d’autres, et rien de plus. Pour être capable d’assassiner la conscience, il faut d’abord l’avoir oubliée. Toute destruction va de pair avec le rêve. Rêver et détruire ne sont que les deux visages de la même puissance, la face éclairée et la face obscure de la Lune. Le rêve se nourrit de destruction, mais la destruction ne semble pas enrayé le rêve. Rêvant, l’homme oublie l’homme.

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Rien ne va changer. Rien ne peut changer. Cela demande d’être ressenti aussi fortement qu’une pluie glacée qui glacerait les os. Où est la sortie ? Il n’y a pas de sortie. Toute "amélioration" illusoire que quiconque pourrait inventer est un autre rêve, passant sous silence l’inséparable "dégradation". Les conditions qui sont les nôtres aujourd’hui, c’est-à-dire notre vie en général, ne peut changer. Il est ardu de déterminer ce qui en nous, n’est pas un rêve, et constitue un socle persistant qui puisse réellement être. Mille caractéristiques pourraient sembler nous définir, or il s’avère toujours que nous nous trompons. Nous agissons selon une définition que nous avons de nous-mêmes, or que sommes-nous ? Nous ne le savons pas, et c’est la seule piste qui nous est offerte. Nous ne savons pas ce qui se cache derrière les illusions, les revêtements, les interprétations, les opinions, les histoires... et pourtant, cela est. Sans quoi, tout s’effondrerait.

Les mots ont le sens qu’on leur donne, et tant de choses recouvrent un seul mot ! Un rêve fantastique entoure chaque mot, chaque expression, chaque terme appelant d’autres sentiments, pensées, et ce, à l’infini. Autant de mots qui reflètent des irréalités, des piètres songes, des cortèges de gestes désordonnés. Les courses effrénées autour de lumières trompeuses n’ont jamais apporté autre chose que des pleurs et grincements de dents. Tant de cruautés pour avoir cru !

Que reste-t-il, lorsque la fête est finie, lorsque le film se termine, lorsque le rideau se ferme, lorsque les lumières s’éteignent, lorsque les paupières tombent, lorsque le soleil se couche, lorsque l’élan s’arrête, lorsque l’énergie s’épuise, que reste-t-il ? Lorsqu’il ne reste plus rien, que reste-t-il ?

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"Les producteurs remercient tous les poissons qui ont participé à ce film."

Et finalement s’élève improbable... quelque chose d’inconnu, mais de commun à toute harmonie, à toute vision de beauté, de sensation de sacré, de juste, de vrai, d’immense et d’incorruptible. Une brume impalpable qui rappelle à soi-même son origine. Une brume qui apporte la pluie et la rosée du matin, une brume qui disperse les mirages et dévoile les monstres. Voici l’or du "dehors" qui s’infiltre dans les méandres de la personnalité brute et matérielle comme un filet d’eau fraîche et pure abreuvant les replis de la terre. Elle est bonheur, car rien ne dépent d’elle et elle est tout.

De cette brume verdit les campagnes, renaît le pouvoir personnel, dans le silence et l’obscurité. Folle est la vie qui l’arrache et l’aspire. Cette brume, si sensible, s’échappe toujours plus loin dans les cieux, s’approchant des mortels lorsque seul leur agitation s’arrête. La mort rappelle cette brume, cette fine énergie — parfum d’éternité. La main ouverte est seule capable de recueillir cette eau et revendiquer la liberté.

Un corps dépourvu d’agitation, des émotions qui ont fait retour à leur racine, et un esprit libre de toute idée, permettent à l’esprit de revenir, magnétisé avec grande industrie. Le vide est le terrain sur lequel il s’accumule, comme un silence qui pèse jusqu’au réveil, rétablissant l’harmonieux, le lien perdu. Toute la vie durant, l’irritation des vents de la manifestation empêchent à l’esprit de s’installer, s’orienter et former le tout qui serait celui d’un nouvel organisme spirituel.

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Le merveilleux tient en horreur le vain, le futile, le corruptible, salissant le pur et détériorant même le métal le plus précieux. La lumière s’éteint dans les courses insensées, qui lèguent fardeaux et poussières, et que la pluie transforme en une boue noire et glauque que seules les âmes terrestres peuvent contenir tant cette mixture est puante et vile.

La vérité se trouve là où ce monde s’évanouit, lorsqu’il ne reste plus que soi et le soleil du réel, qui brûle la peau dans l’air glacé, rayonnant une lumière intacte et nourrissante. Le corps absorbant cette énergie comme un mets rare et magique, éclot parmi les ondes de la source, apportant à ceux qui n’ont rien la vision du néant infini, du soi sans nom connu de toute éternité. Tel un fleuve abreuvant les animaux qui franchissent l’unique porte réparatrice, dépourvue de malignité, ce baume retourne à l’esprit, le guérit, grâce à la mort ayant dispersé les folies temporelles et mondaines, et autres haïssables et imprudentes fatigues.

Bien des mots pour dire ce qui ne peut être dit, pour révéler ce dont les lettres ne peuvent s’approcher sans se consumer elles-mêmes. Les illusions ne laissent ni trace, ni fumée ; naissant du vide, le vide les reprend. Le vide ne peut être possédé, mis au service d’ambitions assassines, sans se perdre. Sans nous perdre. Entendre remplace alors écouter ; regarder remplace voir, et réfléchir remplace penser. L’arbre millénaire tombe. L’œil est cerclé. Occupé, hanté, prisonnier ; hier, aujourd’hui, demain, peu importe le sens. Suis-je encore en train de rêver ?

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Âme-çon ?

9 octobre 2010


Il y a quelque chose de commun à toute harmonie, à toute vision de beauté, de sensation de sacré, de juste, de vrai, d'immense et d'incorruptible. Il y a toujours une brume impalpable qui rappelle à soi moi-même son origine véritable. La brume apporte avec elle amour et apaisement. Elle est l'or du dehors qui s'infiltre dans les méandres de la personnalité brute et matérielle comme un filet d'eau fraiche et pure qui s'enfonce dans les replis de la terre. Elle est bonheur, car rien ne dépent d'elle et elle est tout.

Le pouvoir est comme une brume, qui s'accumule dans le silence et l'obscurité, et que le a vie arrache comme l'herbe folle arrache la rosée. La brume, extrêmement sensible, se voit repoussée toujours plus loin dans les cieux, osant s'approcher des mortels lorsque seulement leur agitation s'arrête. La mort appelle cette brume, cette fine énergie, comme un parfum d'éternité.

Un corps dépourvu d'agitation, des émotions qui ont fait retour à leur racine, et un esprit libre de toute idée, sont les conditions qui permettent à l'esprit de revenir, magnétiquement attiré. Le vide est le terrain sur lequel il s'accumule, comme un silence qui pèse jusqu'à réconforter, rétablissant l'harmonieux, le lien perdu. Toute la vie durant, l'irritation des vents de la manifestation empêchent à l'esprit de s'installer, se construire et former le tout qui serait celui d'un nouvel organisme spirituel.

Le merveilleux tient en horreur le vain, le futile, le corruptible, salissant le pur et détériorant même le métal le plus précieux. La lumière s'éteint dans les courses insensées, qui apportent fardeaux et poussières, et que la pluie transforme en une boue noire et glauque que seules les âmes terrestres peuvent contenir tant cette mixture est puante et vile.

La vérité se trouve là où ce monde s'évanouit, lorsqu'il ne reste plus que soi et le soleil, qui brûle la peau dans l'air glacé, rayonnant un rêve intact et nourrissant, et rien d'autre. Le corps absorbant cette vérité comme un mets rare et magique, éclot parmi les ondes de la source, apportant à ceux qui n'ont rien la vision du néant infini, du soi sans nom connu de toute éternité. Tel un fleuve abreuvant les animaux qui franchissent l'unique porte réparatrice, non maligne, ce baume retourne à l'esprit, le guérit, grâce à la mort ayant dispersé les folies temporelles et mondaines, et autres haïssables et imprudentes fatigues.

Tant de mots pour dire ce qui ne peut être dit, pour révéler ce dont les lettres ne peuvent s'approcher se consumer elles-mêmes. Les illusions ne laissent ni trace, ni fumée; naissant du vide, le vide les reprend. Le vide ne peut être approprié, mis au service d'ambitions ponctuelles, sans se perdre. Rien ne montre plus clairement la nature déchue. Entendre, sans écouter. Regarder, sans voir. Réfléchir, sans penser. L'arbre millénaire est tombé, et encore, il tombe. L'oeil est encerclé par le ciment des préoccupations. Occupé, hanté, prisonnier; là où jamais ne s'arrêtent les idées.