Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

13 août 2007

Où le dirai-je ? Je n'ai que cet endroit pour l'écrire. Et je vais dire ce qui me passe par la tête et ce qui est le plus critique en premier. Premièrement, donc. Je ne suis pas spécial, ni important. C'est difficile à expliquer, comme concept. Ça ne veut pas dire que l'on se prend pour un personnage important, ou que l'on se pavane et que l'on oblige tout le monde à l'admiration et le respect. C'est beaucoup plus vicieux. C'est une sorte de petite chambre dans laquelle se loge l'égo, une petite chambre "en hauteur". Les effets, sont nombreux. On construit cette chambre comme si l'on créait un nid dans sa propre connaissance. Si l'on y fait son nid, on parle depuis ce que l'on sait, mais on est coupé de toute possibilité de développement. C'est-à-dire que si l'on se repose sur des connaissances acquises à la sueur de son front, alors on s'endort dessus et on s'y arrange une place, au chaud. Ça ne veut pas dire non plus que l'on n'aura plus de point de vue critique envers sa propre connaissance, car depuis son nid, on pourra la regarder, et la changer si besoin. Ça veut plutôt dire que la connaissance est une sorte de champ qui doit toujours être labouré, et quand on est fatigué, on risque de s'endormir parmi les épis, et penser que ce qui est acquis est "ce que l'on est". Or, ce qui est acquis est simplement une "matière" qui ne peut en aucun cas représenter son vrai moi. Parmi les effets à cette sorte d'obsession particulière, il y a l'impression tenace de solitude et d'incompréhension. Parce que même si l'on a d'énormes champs de connaissances, si l'on parle depuis ceux-là, il n'y a plus de proximité entre eux et les autres personnes, qui elles, ont des champs de taille et de qualité diverses. Ce qui est extrêmement vicieux, c'est que - et je le sais - je suis humble. Mais je suis humble devant la connaissance difficile à acquérir, je suis humble devant cette tâche, devant les mystères, et devant ma faiblesse, car je suis ridicule parmi tout ce qui m'entoure, ma condition est piètre, et mes efforts pour m'en extraire me rendent simple, faible, humble. Et me dire cela me rend fort. Comme je sais cela, je m'identifie aux champs, et ces champs qui me sont chers, je me dis qu'ils m'appartiennent, et que ça me donne un avantage d'une nature substantielle, difficile à définir, qui me met en décalage par rapport aux autres. Or, je suis chair. Je suis sensation, émotion, physique. Enfant, j'avais un rapport direct avec la nature. Vraiment direct. La rosée du matin, les herbes et les insectes, et l'humidité, la brume, l'eau, le vent, tout cela était près de moi. Enfant, ainsi, dans ces conditions, la solitude ne me pesait pas trop. Puis la connaissance durement acquise m'a fait penser : je suis connaissance, et ainsi, je me suis éloigné du monde. Bien que je vis le monde lucidement, j'avais perdu la proximité. J'ai commencé à forger des programmes qui m'ont permis de maintenir ma distance - ces programmes ont "fermé" mon ouverture aux monde et aux autres, car finalement je suis identique aux autres. La "suffisance", que je ne comprenais pas, est une tactique de ce programme qui agit de façon maligne : elle m'empêche toute proximité et me retient loin, loin... et elle provoque en moi les émotions correspondantes. Par-là je veux dire qu'il y a la honte, qu'il y a aussi l'attitude qui consiste à être "sur la défensive", parce qu'évidemment, si l'on m'attaque sur la connaissance, ça ne fait rien, mais si l'on m'attaque sur ce que je suis, sur "moi", alors je protège mon nid, bec et ongles. Maintenant que je sais ça, je ne sais plus quoi dire. Tout est tombé comme un château de cartes, et comme je tend toujours à précipiter les apprentissages, j'ai "brûlé" deux jours durant, pour comprendre ce qu'il se passait en moi, pour savoir que faire de ces ruines, et j'ai finalement compris que ce que je devais garder, c'était "moi" et "ma connaissance" mais qu'il ne fallait plus que je m'identifie à cette connaissance, ni à cette sensibilité, qui m'a toujours isolé et "distingué" des autres. Comme je me suis identifié à cette distinction, je me suis pris dans mon propre piège. Les gens sont à des niveaux très différents de développement, mais de façon première, basique, primaire, nous sommes des "êtres" qui ne peuvent avoir aucun "bonus". La connaissance, la sensibilité, la compréhension, tout cela peut être catégorisé, mis sur une échelle, bref. Mais pas l'être. Un dieu ne vaut pas plus qu'un poux. De plus, si l'on stratifie et classifie les personnes selon leurs "niveaux" de connaissance ou d'expérience ou autre, ont les fait s'identifier à cela. Mais elles ne sont pas cela. Il est également vrai qu'une identification obsessionnelle empêche toute considération extérieure, et que la considération ne devient possible qu'aux personnes qui sont jugées "du même niveau". Je le savais presque, mais je n'en avais pas pris conscience de façon aussi forte. Ça semble évident, en fait. La logique du "nid" implique que pour rester dans ce nid et pour que ça soit viable à long terme, il faille sans cesse mettre son énergie dans l'entretien et l'agrandissement du nid. Et celui qui fait ça ne s'enrichit pas. Il reste horriblement lui-même, seulement lui-même, c'est un grain de sable parmi des milliards. Maintenant, je regarde où je m'étais mis. J'étais par terre dans le coton, j'étais bien content d'avoir compris des choses de plus en plus profondes et de plus en plus liées entre elles, de plus en plus cohérentes. Et pourtant il y avait une incohérence. J'ai toujours pisté les incohérences, ce sont elles qui me donnent des "indices" sur ce qu'il ne va pas, sur ce qui nécessite travail. Hélas, cette incohérence m'a fait sortir de mon nid, et m'être levé m'a demandé tellement d'effort, que sous le choc, j'ai vacillé. Je vis l'horreur, et tout est entré en confusion, et ma cervelle comme un noeud, voulait éclater sous la chaleur. Et je me suis rendu compte également que l'on ne devient jamais fou. J'ai cru pourtant, que j'allais le devenir. C'était si rapide et si foudroyant. Mais je n'ai plus peur de la folie. Maintenant, je dois réapprendre à marcher. Je n'ai plus l'habitude, ça faisait longtemps que je n'étais pas revenu à cet état originel.
Je me suis dit : j'ai de amis âgés très sincères avec moi, ils sont comme des enfants, ils sont bons. Mais moi, je n'adopte vraiment cette attitude qu'envers eux, le reste du temps ça m'échappe. Alors j'ai dû constater que c'est parce que je les considérais comme "avancés en connaissance/expérience" que je faisais cela, et que si j'étais comme eux, j'adopterais cette attitude envers tout le monde. Sinon, que vaut-elle ? Et plus j'avançais vers des degrés élevés de connaissance, plus le nombre de personnes avec lesquelles j'avais un rapport humble diminuait, car je "jugeais" les personnes qui en étaient dignes.
Un autre piège fut celui de l'absorption de connaissance. Lorsque j'en absorbais beaucoup, et que je comprenais beaucoup de choses, je devenais comme automatiquement "humble". Mais humble seulement envers l'univers et la connaissance, pas envers les êtres qui m'entourent. J'ai confondu ces deux "sensations" et quand on essayait de m'expliquer la différence, j'étais persuadé que j'étais vraiment humble envers le "vivant", alors que je ne l'étais qu'envers une connaissance "morte".
Mais je suis autre, je ne sens plus cette sorte de gène de "parler depuis ma connaissance", et pas depuis "ce que je suis vraiment". Là, comme un nouveau-né, je parle depuis "ce que je suis vraiment" sans l'enrobage de connaissances qui ne doit pas venir s'imposer entre le monde et moi. Ça doit être un allié, pas un tyran. Maintenant, je suis "frais", j'ai fini par quitter ces vieux habits poussiéreux et complexes, je me sens réconcilié. Je vais regrouper tout ce que je sais, détruire ce nid, récolter mes champs. Puis le partager à tout le monde, éviter le compte-goutte. Car ma connaissance est valide, je le sais car je l'ai vérifié, mais ma position par rapport à elle ne l'était pas. Enfin, j'ai compris ce qui n'allait pas en moi, cette sorte de dynamique service-pour-soi dans laquelle je rentrais de plus en plus et qui m'étouffait. C'est difficile d'en arriver à ce point. Quand on s'identifie à ses propres programmes, c'est par les interactions qu'on découvre cela et que l'on peut devenir soi. J'ai ce désir, et j'ai fini par découvrir ce que je ne voyais pas moi-même.

[Un peu plus tard] Je reviens sur ce post pour décrire comment le processus de "désidentification" s'est opéré : 1° - me persuader que je ne savais rien à ce que j'étudiais, ce qui m'a isolé de ma propre chère connaissance, mes propres champs. Transformer mon nid en brasier. Cela n'a pas fonctionné tout de suite, car je suis conscient de ce que je sais, et j'ai dû me défendre. Mais en me défendant... 2° - je me suis exposé au grand jour, et en miroir, j'ai pu voir ce que j'étais, où je me trouvais, dans quoi je vivais.
Finalement, c'est ce procédé que j'utilise pour "secouer" les gens quand il le faut. Et... ça a marché. Maintenant, je vais éviter d'entrer dans une nouvelle identification... peut-être que je vais m'identifier à mon humilité et à ses émotions correspondantes ? Il n'y a donc jamais de repos, jamais de stabilité... Je le savais bien. Comment ai-je pu croire, un instant, que ma connaissance me permettrait de redevenir stable ? Peut-être que cette incohérence là m'a définitivement alerté.