Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

19 août 2007

A nouveau, je dois écrire. Pour pouvoir dormir un peu plus paisiblement. J'ai réellement l'impression que je reste toujours le même. Ça pourrait continuer éternellement. Je reviens toujours dans un même environnement. Internet, la musique, la nuit. L'évolution est une chose très subtile, ça ne peut pas se détecter avec un coup d'introspection, pas même avec un filet dérivant. On ne pêche que des fragments, des pensées, des morceaux de personnalités.
Je sens que mes émotions ne sont pas bien organisées. Je devrais aussi savoir que faire des sentiments les plus intenses. C'est une garderie, je surveille par moments ce qu'il se passe, je m'enfuie dès lors que les marmots accourent. Il y a des enfants terribles. Eux ne grandissent pas, ils sont toujours exactement les mêmes. Si reviens dans cette chambre, je sens à nouveau que je porte le poids d'une responsabilité qui m'incombe mais que je rejette. Ce sont des enfants que j'ai pourtant désiré, hélas, peu d'arbres donnent des fruits sur les terres de l'espoir. "Je me sens bizarre", je perçois de nombreuses sensations, celles-ci ne me changent pas. Toujours des soubresauts en surface, mais fondamentalement, j'ai toujours le même corps, et toujours ces mêmes enfants qui me regardent et attendent de moi toute mon attention. Ce ne sont pas eux qui me fascinent, mais le rapport que j'ai envers ma progéniture. Mon corps est un corps humain, mais suis-je ce corps ? J'aurais pu avoir une forme d'insecte, de forme indifférenciée, être totalement différent, peu importe. Le seul fait d'être dans ce corps d'humain, c'est... curieux. Si j'étais subitement intégré à une machine quelconque, cette même impression se répèterait. Je ne me suis donc jamais incarné, je flotte toujours au-dessus de "cette chose" que représente un "corps humain", rose-orange pâle selon les lumières qui m'entourent, avec des mains, des cheveux, des vêtements, et tout cela vit sur une structure d'os dont on perçoit rarement la dureté. Sont-ils si durs ? Autour des os de poulets, il y a des ligaments, des cartilages, ah... surtout des cartilages. Grâce à eux, je suis huilé quotidiennement, et je peux suivre mon parcours habituel dans la maison ou dans le jardin, me servir de mes mains pour écrire, me mettre en mouvement pour ouvrir et fermer les volets. Cela m'offre un ensemble de sensations que je vis nonchalamment, plongé dans de nombreuses questions intellectuelles qui se résolvent, finalement, apparaissent comme ridiculement simples. Les réponses sont si simples qu'elles heurtent les efforts de la chair. Et les sentiments... peut-être qu'ils sont des feux intérieurs de différentes teintes qui s'allument et s'éteignent selon les moments; s'ils ne sont pas étouffés, ils crient, m'irritent, me frappent. Lorsque je réagis, un autre sentiment s'exprime, et ainsi ils font la discussion, se réunissent, dialoguent, sans égards pour moi-même. La vie peut en moi, s'entretenir seule, car elle fait fi de mes consentements. Si je lui accorde quelque chose, elle n'y fera pas attention : elle est déjà à l'oeuvre. Tant pis. La question principale reste : pourquoi ai-je une forme humaine. Les détails importent peu, de même que toutes les caractéristiques de mon apparence et expression physique. J'aimerais réserver aux vies fugitives qui rôdent autour de ma conscience le même sort que ces insectes qui plongent dans l'halogène, et font "tac" en grillant, juste avant d'émettre une fumée âcre et pâle. Ainsi devraient finir mes locataires inutiles - tous ces débris à moitié vivants qui proviennent des luttes trop acharnées avec mes insupportables enfants.
Je crois que ma pensée vient de ce ballon qui se gonfle et dégonfle et qui s'appelle "intellect", qui aspire les vapeurs du dehors pour se mouvoir, une sorte de propulsion, en somme. Il a la même odeur d'usine et de caoutchouc que les chambres à air des bicyclettes usées. Maintenant, je n'ai plus d'énergie pour écrire encore, j'ai donc des "conflits exténués", qui se réveilleront à la première pluie comme les cactus dans le désert. Je terminerai en disant que je sais pourquoi je suis là dans ce corps humain, car je sais aussi bien pourquoi la vie et la conscience ou quoi que ce soit d'autre se trouve dans ces corps physiques qui pullulent partout. Je ne sais simplement pas pourquoi je sens que mes os veulent sortir par les extrémités de mes membres et les pores de ma peau.