Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

2 février 2006

Qui n'est ni fou, ni décadent, ni défait. Rien ne dure. L'évidence guette: n'est-ce pas déjà la fin. Ce qu'il a de vif s'affaisse, ce qu'il y a de lumineux perd de sa vigueur. Le monde paraît être une vague d'ambre. Voyez que rien ne s'agite. Ce que vous appelez esprit prompt et rapide, ne peut-on pas déjà le considérer comme fossile ou silice. Ce qu'il y a de clair, n'est-ce pas ce qu'il y a de sombre, ce qu'il y a de sombre, n'est-ce pas ce qu'il y a déjà d'antique. Le temps du monde n'a plus de commun.

Il y a des sortes de points brillants qui vont, viennent, ne les voyez-donc pas. Le monde tremble, est marin, je le vois, il est bosselé et humide. Vous ne voyez donc pas, que le monde n'est plus celui que vous connaissiez. Ces points brillants, parfois.

Le délire adroit du scepticisme.

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Sur la mélancolie (Précis de décomposition, Cioran)

Quand on ne peut se délivrer de soi, on se délecte à se dévorer. En vain en appellerait-on au Seigneur des Ombres, au dispensateur d'une malédiction précise: on est malade sans maladie, et réprouvé sans vices. La mélancolie est l'état de rêve de l'égoïsme: plus aucun objet en dehors de soi, plus de motif de haine ou d'amour, mais cette même chute dans une fange languissante, ce même retournement de damné sans enfer, ces mêmes réitérations d'une ardeur de périr... Alors que la tristesse se contente d'un cadre de fortune, il faut à la mélancolie une débauche d'espace, un paysage d'infini pour y épandre sa grâce maussade et vaporeuse, son mal sans contour, qui, ayant peur de guérir, redoute une limite à sa dissolution et à son ondoiement. Elle s'épanouit, - fleur la plus étrange de l'amour-propre, - parmi les poisons dont elle extrait sa sève et la vigueur de toutes ses défaillances. Se nourrissant de ce qui a corrompt, elle cache, sous son nom mélodieux, l'Orgueil de la Défaite et l'Apitoyement sur soi...