Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

27 janvier 2006

Pourquoi suis-je abandonné ?
L'impression que je suis devenu flou, transparent, qu'il ne reste de moi que les contours, l'enrobage est illusion, dernier signe; l'essence est néant.
Que je suis marionnette, n'est-ce pas ? Un test.


Quelqu'un m'a créé pour tester quelque chose, sans que je ne le sache moi-même.
Je suis le moyen et je n'ai d'existence réelle.
Le monde est vrai, mais je suis au-dessus, les dieux sont peut-être présents, mais je suis en-deça, ils m'empêchent de m'élever vers la surface, comme un animal sous une banquise sans faille.
Je suis un espace a-conceptuel et vide - délimité par l'inverse (le plein), l'être n'est pas ce dont je suis substanciellement fait, mais ce qui m'entoure. C'est le contenant qui donne forme à ce qu'il contient, surtout lorsqu'il s'agit de vide.
Notre nature nous ne nous fait voir qu'un seul élément de la dualité, de même, nous ne voyons qu'une seule partie de la lune. Après, lorsque nous nous élèvons au dessus de l'être, de ce qui existe, de ce que nous voyons - car ce que nous voyons est ce qui existe -, alors, nous apercevons ce que nous sommes, c'est à dire, une architecture d'inexistence, l'autre aspect fondamental de la matière.
Lorsque que j'accède à la connaissance, je m'élève au-dessus de ce qui existe, et sombre dans ce qui n'existe pas: alternance tragique de ma condition.
En somme, je suis un essai.
Nous vivons dans une matière qui contient un mélange de la dualité: il n'existe ni blanc absolu, ni noir absolu. Se situer au milieu, signifie d'être constamment tiraillé envers l'un ou l'autre des états de la matière, l'existence, ou l'inexistence. L'homme étant composé des deux principaux états de la matières (être et néant) - s'il aspire vers l'un d'entre eux, il périra par l'autre.
Que je vive telle ou telle expérience est intentionnel: ce que j'adviens sert d'exercice à je ne sais quelle cause.
J'ai dépassé l'être, pourrais-je également dépasser l'oubli ? Cela je me le suis souvent répété.
Je suis illusion, moi, maintenant -- non le monde. Chacun d'entre nous, puisque déterminé par les deux états de la matière, appartenons à l'un et l'autre de ces états. Cela, c'est ce que l'on appelle communément "vivre". C'est à dire, se satisfaire de nos deux natures, tout en n'aspirant ni vers l'une, ni vers l'autre. Le choix de la paresse.
Quand certains êtres se rapprochent davantage de la conscience d'unité, ils ne peuvent s'accorder de la dualité. L'évolution de la conscience se fait en s'approchant de l'unité, après avoir fait expérience des deux états fondamentaux.
Que dire de toutes ces personnes qui forment l'humanité et qui engendrent des doctrines - ils nomment cela: "l'art de se satisfaire des états". C'est pourquoi, n'allant ni vers l'un ou l'autre [de ces-mêmes états], ils n'atteignent jamais la conscience d'unité. Cela nécessite une expérience que chacun refuse - pire, chacun protège l'influence du peuple qui meugle: accordons-nous, n'allons nul part ! Comment le sais-je ? Lorsque je m'avance vers l'un [ des deux états ] j'entendais des avertissements: "tu es trop l'un", et lorsque je m'avance vers l'autre, on s'affole et on dit : "ne le laissons pas allez vers l'autre !".
D'aucuns disent que l'impression d'exister provient du sentiment de notre présence dans le regard des autres: cela est juste. Les personnes qui nous entourent forment le contenant, la part de l'être que l'on s'accapare pour se rassurer.
L'ensemble de ces informations répond à la question de ceux qui s'avancent trop vers l'un [l'être], ou trop vers l'autre [le néant], cette question intemporelle qui demande: "comment se fait-il que parfois, je sache presque tout, parfois, presque rien ?".

La pensée est ce qui lie. Elle fait la jonction entre ce qui est et ce qui n'est pas.
Mais le centre de l'être est parfois dans ce qui est, parfois dans ce qui n'est pas. Imaginez un grand fil tendu entre ce qui existe et ce qui n'existe pas. Imaginez que le lieu de cristallisation de votre pensée se trouve un jour dans l'existant, un jour dans l'inexistant. Ne seriez-vous pas décontenancés ?
Les hommes qui s'avancent dans l'un ou dans l'autre, le fil de leur pensée qui fait jonction entre l'être et le néant s'allonge, de ce fait, il devient fragile, certains craignent alors la folie. D'autres, ne sachant pourquoi ils sont parfois l'être, parfois le néant, sombrent dans cette question incompréhensible. Je vous ai donné la raison, vous ne pouvez plus vous servir de la "légèreté de l'être" comme prétexte à revenir dans la vie: n'allant ni vers l'être, ni vers le néant, vous n'atteignez jamais cette conscience de l'unité !

La pensée est ce qui lie. Elle est une onde imprévisible, aux états cycliques, pareille à l'eau. Ses états vont du néant à l'être, de l'être au néant. Comme l'eau, elle transforme le monde, parfois elle creuse, parfois elle aplanit. Comme l'eau, elle se salit, et, lorsqu'elle est trop remplie d'être, elle s'évapore. Quel est le soleil ? Celui du savoir. Après s'être évaporée, elle revient au néant: parmi les nuages de l'oubli, elle se demande ce qu'elle avait su, puis parfois elle retrouve, elle se condense, conceptualise, il pleut.
Elle abreuve le monde, et le monde l'absorbe, l'engouffre, jusqu'à ce qu'elle rejaillisse, devienne multiple, puis forme de grands fleuves que les pensées de tous les êtres alimentent et suivent. Elle se jette finalement dans l'absolu marin, et s'évapore.
Si je le sais, c'est parce que l'on m'en a donné la permission. C'est parce que je n'ai pas cédé au Léthé, je suis allé jusqu'à la fin de l'être et la fin du néant. Vous comprenez ?

Votre mauvaise intuition vous garde dans ce que souffle les foules: "n'allons ni dans l'être, ni dans le néant !".
De plus, vous avez une grande crainte du peuple, car celui-ci souffle: "Damné celui qui s'en va trop dans l'être, ou trop dans le néant !".
Voyez où se loge votre faiblesse ? En votre résistance envers votre propre nature - votre propre voix. Celle-ci, qui est de s'élever et de dépasser, vous emmenerait jusqu'à la fin de l'être, puis jusqu'à la fin néant. Qui parmi vous est allé jusqu'à la fin de l'être et jusqu'à la fin du néant ?

Dans tout être, se trouve fondamentalement son anti-être: sachez devenir l'être, sachez devenir le néant, jusqu'à leurs termes; sachez devenir être jusqu'à ce que vous soyez projeté dans le néant, sachez aussi faire l'inverse.
Peut-être alors, connaîtriez-vous l'unité.
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