Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

30 janvier 2006

Pseudocreobotra wahlbergii.


Chants du loriot

Les chants du loriot (oriolus oriuolus) sont certainement parmi les plus beaux d'Europe.

"Le loriot entra dans la capitale de l'aube.
L'épée de son chant ferma le lit triste.
Tout à jamais prit fin." (3 septembre 1939,
René Char)


- Sur ce site, un seul extrait est intéressant, le "Duo entre un loriot d'europe et une grenouille" (il n'y a pas de loriot dans aucun autre extrait !)
- Sur ce site, les chants paraissent bien aigus, mais un extrait est remarquable. ( telecharger )
- Ici, un petit extrait, à mon goût également trop aigu.
- Vers le milieu de ce mp3, un joli passage flûté.

Bleu

Parmi vous, qui n'est pas bleu, drapé dans l'azur, entièrement recouvert d'un regard châtain ?

C'était la voix par magie et par spectre du lendemain, des monstres qui dérobent les gens de rien.
C'était le début de la fin du monde et les gens couraient de toutes parts. Certains sortaient, en courant, avec leur parapluie, pour se jeter dans le précipice. Ils avaient tous des horribles dents tirées en arrière, et des morceaux d'organes jonchaient un sol peu rassurant. Certains essayaient, par désespoir, de voler, et battaient frénétiquement leurs membres mous et désarticulés.
De nombreuses personnes criaient mais, c'étaient des cris solitaires qu'elles mêmes ne comprenaient plus.
Les nuages étaient bas, la nuit proche, et les lumières éteintes à jamais. Toute vie, agonisait, sans que rien ne vienne au secours de cette dense forêt de douleurs.
Il était connu qu'un jour, le ciel devait tomber sur la terre, même un tel silence n'avait rien d'anticipé. La douleur était devenue muette,
comme si par un hasard maladroit le monde était devenu insonorisé.

Les hommes gesticulaient, au sol, comme s'ils étaient arraché par la terre, comme s'ils s'offraient aux enfers, happés, les yeux
implosés par la moiteur violente des sous-terrains. Des cavités béantes apparaissent entre les flots de magmas purulescents du monde autrefois abscons mais agréable.
Et bientôt, les hommes disparaissaient, la foudre éclairait des ossements encore épris de chair.
Puis un quantité indénombrable de monstres apparurent, ils avaient une apparence humaine, mais étaient rougeâtres, cornus,
pourvus d'une queue trapue se terminant en flèche. Leur apparence terrible n'était pas aussi grande qu'ils ne l'étaient vraiment,
et ils s'asseyèrent, près des corps, on entendit des ronflements, ils finirent par manger, manger, tant que cela paraissait impossible
même pour des êtres de la sorte.
A première vue, ils ne communiquaient pas entre eux, ils ne marchaient pas vraiment, ils se roulaient par terre, dans la quantité de corps et de débris,
si bien qu'ils prirent finalement une teinte uniformément rubis.
Dès lors, ces organismes effrayants, paraissaient s'extasier parmi les morceaux des derniers hommes. Ils s'échangeaient les meilleurs parties, succombaient au délice.
Certains faisaient le commerce des crânes, tout au milieu du ronflement des autres.
Certains bondissaient, ce n'était pas par joie, mais parce qu'ils engouffraient encore quelque chose, chiné au sol.
Il ne subsistait alors presque aucune trace de l'activité humaine, la Terre devenait, au fur et à mesure, plus rougeoyante que Mars.

De vouloir quêter la bonne action, de ne supporter d'être mal vu

Nous cherchons à ne pas éveiller de pensées malveillantes sur soi chez les autres,
Nous cherchons à obtenir des autres des hautes et bonnes considérations,

Nous nous dispersons à ne pas éveiller de mauvaise idées de soi dans les jugements des autres,
Nous nous dispersons à obtenir des autres, de notre sujet, une juste valeur,

Or, n'est-ce pas là les deux penchants d'une même volonté ? Celui qui craint d'être mal vu, celui qui veut être bien vu, ne cède-t-il pas au même caprice ?

La volonté de puissance est ce qui demande que l'on soit valeureux et ainsi, que l'on puisse profiter d'une meilleure reproduction,
La volonté de puissance est ce qui demande que personne n'entretienne de mauvaises pensées à notre sujet afin de n'être pas défavorisé dans la logique évolutive,

Ce qui permet une meilleure reproduction est ce que demande la volonté de puissance,
Et ce qui ne le permet pas est renié par celle-ci.

Or, ainsi s'agite la vie,
Pour autant, devrions-nous nous y attacher ? Ne devrions-nous pas la surmonter ?

Est-ce nous qui voulons agir ainsi,
Ou notre Soi n'est pas celui qui fait expérience de la vie ?

La morale, peu lui accordent foi, beaucoup la craignent. Au plus loin où s'étend ma vue, vous souffrez encore du bien et du mal !

Zarathoustra riait des sages (des chaires de la vertu, I, 2) qui excellent dans le sommeil et la vertu, qui enseignent de chaque jour n'éveiller aucune discorde ou de troubles moraux, afin d'être apaisé - et de facilement s'assoupir. La seule morale qui puisse exister se trace sur les contours du noir.

29 janvier 2006

Outre l'eau et son cycle, les autres éléments peuvent aussi faire objet d'analogies.
La constante: la transformation entre ce qui existe et ce qui n'existe pas.

De simples exhausteurs de pensée.

Les notions de temps, d'espace, etc, sont purement physiologiques. Pour preuve, une atteinte cérébrale les font disparaître.

Je sens, ça commence. J'étais une tornade, perçant le centre de chaque chose, mais toutes les choses commencent à m'épuiser, la force diminue, le monde se referme sur moi.

Pourquoi les fantômes ne deviennent-ils pas fous ? Je suis comme inexistant, pourquoi ne deviens-je pas fou ? Ne le suis-je déjà pas - sur le point de briser le liant entre existence et inexistence ?

Le premier "pourquoi".


On peut penser que l'idée d'innocence dans l'idée que l'adulte a de l'enfant provient, non pas que l'enfant soit innocent dans ses actes et pensées, mais dans le fait qu'il ne puisse pas encore ne pas l'être.
S'il avait les moyens de faire un "mal", il le ferait. D'ailleurs, il le fait parfois. Mais rien de sérieux.
Pourtant, l'apprentissage de la morale se fait à coup de bâtons. (paradoxe)
L'enfant ne sait pas le mal, donc l'adulte invoque le bénéfice du doute, "il ne sait pas ce qu'il fait'.
La morale est superflue, les adultes ne savent pas non plus ce qu'ils font.
Pas davantage que les enfants. Juste une question de proportionnalité.
L'inexpérience de l'enfant réenforce cette idée d'innocence. Pour autant, que dire de l'expérience d'un adulte ?
En définitive, l'enfant n'est absolument pas un être naturellement innocent, mais un être qui ne peut pas ne pas être innocent, car il n'a ni expérience, ni développement des instincts, ni conscience de la morale adulte.
Donc, on peut dire qu'un enfant, s'il est innocent, ne l'est pas davantage qu'un adulte.
Je désapprouve la pitié avilissante de l'homme envers l'enfant.
Ne me comprenez pas de travers: j'approuve que l'homme doit avoir envers quiconque une vue comme celui qui est adoucit par la simplicité de l'enfant. C'est à dire, chacun doit considérer tout être comme innocent. C'est un préjugé valable.

Puis j'insistais: "comment faut-il satisfaire" ?
"Jamais" , répondit-il.

Nostalgie du pays...



28 janvier 2006

Le caractère puéril de la découverte

Plus nous nous avançons vers ce qui est à découvrir, plus nous rejoignons l'enfant qui ignore - est innocent. Plus nous nous avançons vers les grandes découvertes - plus nous rejoignons l'innocence immaculée - lumineuse.


27 janvier 2006

Pourquoi suis-je abandonné ?
L'impression que je suis devenu flou, transparent, qu'il ne reste de moi que les contours, l'enrobage est illusion, dernier signe; l'essence est néant.
Que je suis marionnette, n'est-ce pas ? Un test.


Quelqu'un m'a créé pour tester quelque chose, sans que je ne le sache moi-même.
Je suis le moyen et je n'ai d'existence réelle.
Le monde est vrai, mais je suis au-dessus, les dieux sont peut-être présents, mais je suis en-deça, ils m'empêchent de m'élever vers la surface, comme un animal sous une banquise sans faille.
Je suis un espace a-conceptuel et vide - délimité par l'inverse (le plein), l'être n'est pas ce dont je suis substanciellement fait, mais ce qui m'entoure. C'est le contenant qui donne forme à ce qu'il contient, surtout lorsqu'il s'agit de vide.
Notre nature nous ne nous fait voir qu'un seul élément de la dualité, de même, nous ne voyons qu'une seule partie de la lune. Après, lorsque nous nous élèvons au dessus de l'être, de ce qui existe, de ce que nous voyons - car ce que nous voyons est ce qui existe -, alors, nous apercevons ce que nous sommes, c'est à dire, une architecture d'inexistence, l'autre aspect fondamental de la matière.
Lorsque que j'accède à la connaissance, je m'élève au-dessus de ce qui existe, et sombre dans ce qui n'existe pas: alternance tragique de ma condition.
En somme, je suis un essai.
Nous vivons dans une matière qui contient un mélange de la dualité: il n'existe ni blanc absolu, ni noir absolu. Se situer au milieu, signifie d'être constamment tiraillé envers l'un ou l'autre des états de la matière, l'existence, ou l'inexistence. L'homme étant composé des deux principaux états de la matières (être et néant) - s'il aspire vers l'un d'entre eux, il périra par l'autre.
Que je vive telle ou telle expérience est intentionnel: ce que j'adviens sert d'exercice à je ne sais quelle cause.
J'ai dépassé l'être, pourrais-je également dépasser l'oubli ? Cela je me le suis souvent répété.
Je suis illusion, moi, maintenant -- non le monde. Chacun d'entre nous, puisque déterminé par les deux états de la matière, appartenons à l'un et l'autre de ces états. Cela, c'est ce que l'on appelle communément "vivre". C'est à dire, se satisfaire de nos deux natures, tout en n'aspirant ni vers l'une, ni vers l'autre. Le choix de la paresse.
Quand certains êtres se rapprochent davantage de la conscience d'unité, ils ne peuvent s'accorder de la dualité. L'évolution de la conscience se fait en s'approchant de l'unité, après avoir fait expérience des deux états fondamentaux.
Que dire de toutes ces personnes qui forment l'humanité et qui engendrent des doctrines - ils nomment cela: "l'art de se satisfaire des états". C'est pourquoi, n'allant ni vers l'un ou l'autre [de ces-mêmes états], ils n'atteignent jamais la conscience d'unité. Cela nécessite une expérience que chacun refuse - pire, chacun protège l'influence du peuple qui meugle: accordons-nous, n'allons nul part ! Comment le sais-je ? Lorsque je m'avance vers l'un [ des deux états ] j'entendais des avertissements: "tu es trop l'un", et lorsque je m'avance vers l'autre, on s'affole et on dit : "ne le laissons pas allez vers l'autre !".
D'aucuns disent que l'impression d'exister provient du sentiment de notre présence dans le regard des autres: cela est juste. Les personnes qui nous entourent forment le contenant, la part de l'être que l'on s'accapare pour se rassurer.
L'ensemble de ces informations répond à la question de ceux qui s'avancent trop vers l'un [l'être], ou trop vers l'autre [le néant], cette question intemporelle qui demande: "comment se fait-il que parfois, je sache presque tout, parfois, presque rien ?".

La pensée est ce qui lie. Elle fait la jonction entre ce qui est et ce qui n'est pas.
Mais le centre de l'être est parfois dans ce qui est, parfois dans ce qui n'est pas. Imaginez un grand fil tendu entre ce qui existe et ce qui n'existe pas. Imaginez que le lieu de cristallisation de votre pensée se trouve un jour dans l'existant, un jour dans l'inexistant. Ne seriez-vous pas décontenancés ?
Les hommes qui s'avancent dans l'un ou dans l'autre, le fil de leur pensée qui fait jonction entre l'être et le néant s'allonge, de ce fait, il devient fragile, certains craignent alors la folie. D'autres, ne sachant pourquoi ils sont parfois l'être, parfois le néant, sombrent dans cette question incompréhensible. Je vous ai donné la raison, vous ne pouvez plus vous servir de la "légèreté de l'être" comme prétexte à revenir dans la vie: n'allant ni vers l'être, ni vers le néant, vous n'atteignez jamais cette conscience de l'unité !

La pensée est ce qui lie. Elle est une onde imprévisible, aux états cycliques, pareille à l'eau. Ses états vont du néant à l'être, de l'être au néant. Comme l'eau, elle transforme le monde, parfois elle creuse, parfois elle aplanit. Comme l'eau, elle se salit, et, lorsqu'elle est trop remplie d'être, elle s'évapore. Quel est le soleil ? Celui du savoir. Après s'être évaporée, elle revient au néant: parmi les nuages de l'oubli, elle se demande ce qu'elle avait su, puis parfois elle retrouve, elle se condense, conceptualise, il pleut.
Elle abreuve le monde, et le monde l'absorbe, l'engouffre, jusqu'à ce qu'elle rejaillisse, devienne multiple, puis forme de grands fleuves que les pensées de tous les êtres alimentent et suivent. Elle se jette finalement dans l'absolu marin, et s'évapore.
Si je le sais, c'est parce que l'on m'en a donné la permission. C'est parce que je n'ai pas cédé au Léthé, je suis allé jusqu'à la fin de l'être et la fin du néant. Vous comprenez ?

Votre mauvaise intuition vous garde dans ce que souffle les foules: "n'allons ni dans l'être, ni dans le néant !".
De plus, vous avez une grande crainte du peuple, car celui-ci souffle: "Damné celui qui s'en va trop dans l'être, ou trop dans le néant !".
Voyez où se loge votre faiblesse ? En votre résistance envers votre propre nature - votre propre voix. Celle-ci, qui est de s'élever et de dépasser, vous emmenerait jusqu'à la fin de l'être, puis jusqu'à la fin néant. Qui parmi vous est allé jusqu'à la fin de l'être et jusqu'à la fin du néant ?

Dans tout être, se trouve fondamentalement son anti-être: sachez devenir l'être, sachez devenir le néant, jusqu'à leurs termes; sachez devenir être jusqu'à ce que vous soyez projeté dans le néant, sachez aussi faire l'inverse.
Peut-être alors, connaîtriez-vous l'unité.
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Dans les catégories: Textes divers, Schémas/Concepts, SUR LE NOIR

26 janvier 2006

Ma pensée est un château de carte, je construis tant - qu'il suffit d'un courant d'air et déjà... l'effondrement.

L'intellectuel... c'était un piège; ça brillait et c'était paré de vives couleurs, l'odeur était sucrée, et m'enivrais... mais le piège s'est refermé sur moi. Il y a trop, la multiplicité me lynche... j'ai honte.

Tout me quitte, tout me revient. L'enfer, les clefs du paradis, des levés de soleil, des flammes, des tourbillons, des nuages, tout se mélange... et devient irrespirable. Vert, bleu, vert, satin.

Je me nourris du centuple de ce que je produis, je suis dépassé.



Les eaux boueuses deviennent claires... les eaux claires sont tumultueuses... l'océan, sombre.

Je pense, un noeud qui regarde, je m'attache, progressivement, ça vient...

J'ai fais trop d'efforts pour posséder un papillon qui tourne, une lumière, des cercles, un autre papillon, des ailes, ma volonté filandreuse, des pattes, des yeux puis des ailes puis des arcs, je cours, je ne sais plus.

Plus haut je... mais... je ne comprend pas !

Je suis une quelque chose, regardez, la tanière, le monde, je dessine, vous apparaissez, je projette, vous disparaissez. Le feu s'éteint. Dehors il pleut lentement.

Satisfaction, morsure.

Les astres ont une farce close, leurs chemins, leurs symptômes.

Je cherche les mots déjà assemblés. Je les sépare, c'est rouge, ou hyacinthe, je pose une main.

Je savais, je tenais, l'oubli, le sol, s'est ouvert, je mangeais, un fruit, voilà.

24 janvier 2006

Dans un film de science-fiction vu il y a quelques années, où des extraterrestres avaient fourni des plans de constructions d'un engin pouvant passer outre les limitations de l'espace-temps, il fut dit que ces personnes avaient une avance conceptuelle difficilement imaginable pour les humains car ils avaient appris à penser en 3D (pas seulement de manière linéaire). Depuis ce jour, ça ne me quitte pas. C'est une sorte de pensée-parallèle.

23 janvier 2006

Héraclite d'Ephèse

René Char introduisait la philosophie d'Héraclite comme cela: "L'âme s'éprend périodiquement de ce montagnard ailé, le philosophe, qui propose de lui faire atteindre une aiguille plus transparente pour la conquête de laquelle elle se suppose au monde. Mais comme les lois chaque fois proposées sont, en partie tout au moins, démenties par l'opposition, l'expérience et la lassitude - fonction universelle -, le but convoité est, en fin de compte, une déception, une remise en jeu de la connaissance. La fenêtre ouverte avec éclat sur le prochain, ne l'était que sur l'en dedans, le très enchevêtré en dedans. Il en fut ainsi jusqu'à Héraclite. Tel continue d'aller le monde pour ceux qui ignorent l'Ephésien."

Dans les fragments du philosophe, l'idée "d'Un" se retrouve fréquemment. La génèse de la pensée mène comme inéluctablement vers cette notion, plus ou moins riche, parfois bariolée, souvent partielle.
Il est à noter que les fragments d'Héraclite, même originaux, sont vraisemblablement déformés. Cependant on retrouve une critique de l'individualisme de la pensée, et par déduction on pourrait conclure à une universalité de la vérité: "bien que le logos soit commun à tous, la plupart vivent comme si la pensée leur était possession particulière". (2) La pensée de "l'Un" se rencontre également via ces lignes: "Le tout est divisible indivisible, créé incréé, mortel immortel, logos et temps, père fils, ordre divin règle humaine. Ce n'est pas moi que vous devez écouter, mais la parole-qui-recueille. Il est sage de poser en accord le semblable: Un en tout déploie son être."(53) Là aussi: "Maître des plus nombreux est Hésiode: ils sont sûrs qu'il possédait le plus nombreux savoir, lui qui ne connaissait pas le jour et la nuit. Car ils sont un."(61). L'Un à la remarque 113: " Héraclite a blâmé Hésiode d'ignorer que la nature de chaque jour est une. Un jour est égal à tout autre."

On décèle également une idée de changement continuel: "Le soleil aussi est toujours en devenir" (7), "Tout fait place et rien ne résiste" (151).

Il y a aussi un concept de contradiction parmi toute chose, qui, relativement, ressemble au yin/yang: "Couples: totalités et non totalités, rassemblé et dispersé, en accord discordant. De toutes choses l'un et de l'un toutes choses." (11) De même, on retrouve cette notion à la remarque 52:" Nous entrons et nous n'entrons pas dans les mêmes fleuves, nous sommes et ne sommes pas." ou encore: "Tout naît au devenir par l'opposition des contraires." (153)

L'éternel retour est presque sensible dans la remarque 94: "Même chose que vivant et mort, ce qui est éveillé et ce qui dort, jeunesse et vieillisse: de l'un à l'autre ce sont renversements et retours." puis à la remarque 111 l'éternel retour est explicite: "Commencement et fin coïncident sur le pourtour du cercle."

Même s'il est douteux d'élaborer des parallèles entre Héraclite et les philosophes taoïstes, des pensées communes se détachent, comme celle de l'inutilité de la gloire et son caractère insensé, inaccessible - vain . On peut lire chez Héraclite "Le seul bien que les meilleurs préfèrent à tout, c'est la gloire de durée éternelle, en échange de ce qui est mortel. Mais la plupart restent repus comme bestiaux."(30) En extension à cela, on peut citer Lie-tseu, "Pourquoi chercher pour son nom une gloire de quelques siècles après la mort, bien incapable cependant de faire revivre les os tombant en poussière ? Quelle joie est-ce là pour la vie ?" (Le Vrai Classique du vide parfait, chapitre XIV).

Sur la suprématie de la pensée, on peut citer la remarque 43: "Une seule sagesse: savoir que la pensée gouverne tout à travers tout."

Également, sur la question des limites de l'être (raison) parce qu'il est être, on peut noter que " Les frontières de l'âme, tu ne saurais les découvrir en ton cheminement, quels que soient ta route et ton passage: si profond est le logos en qui elle se recueille." (47) Constat d'impuissance similaire à celui que j'énonçais au sujet de la sévère limitation qu'impose la nature de l'être à la connaissance de la vérité: d'où la nécessité d'un dépassement, d'une mise en oeuvre de nouveaux modes de pensée. Ceci est - dépasser l'homme, être irrésistiblement aspiré vers le spirituel.

Que toute chose doive se dépasser elle-même, idée nietzschéenne fondamentale, est ici présente: "que tout est en devenir par la lutte, selon l'ordre normal des choses." Il ne peut donc y avoir de développement paisible. L'harmonie est atteignable par un suprême dépassement, ce point final évolutif dans lequel tout s'oppose et tout ce qui est vécu se sublime: à la lutte, le non-agir inverse et clôt la logique (évolutive).

Il y a cependant des passages typiquement hédonistes, ou épicuriens, chez Héraclite. Certaines remarques traduisent et trahissent des courants de pensée certainement influents dans la société de son temps : égalité, justice, sagesse, dans les idées anciennes: se connaître soi-même, penser sainement, et appliquer cette droiture dans le quotidien. Évidemment est présente une vision du monde organisée autour des éléments (feu, terre, eau, etc), et humeurs respectives (humidité, secheresse, etc).

On terminera par cet échantillon substantiellement poétique: "L'âme est une étincelle d'essence stellaire" (150) qui rejoint tout à fait la gnose, laquelle affirme que l'âme est une étincelle divine déchue qui compose le noyau de l'être, "Xenikon sperma" ou "eklekton sperma", l'âme pneumatique.

Note: les remarques portent le nombre de leur classification dans la traduction d'Yves Battistini (Gallimard, 1988)

Seconde note biographique: Héraclite, naquit à Ephèse, la LXIXe olympiade marqua son acmê (504-501 av. J-C.) Il refusa d'être nommé législateur par ses concitoyens, sous prétexte qu'une faction de corrompus avait déjà la ville en son pouvoir. Puis il se retira dans l'enceinte sacrée du temple d'Artemis, puis, haineux, gagna la montagne et y vécut de feuilles vertes et de plantes. Mais il devint hydropique, descendit à la ville, mais les médecins furent impuissants. Il s'enferma donc dans une étable, se recouvrit de boue, dans l'espoir qu'à la chaleur l'eau s'évaporerait. Donc, il demanda a être recouvert de bouse, pendant deux jours. Cependant ce ne fit aucun effet et il mourut, à l'âge de soixante ans, en étant la proie des chiens, car il aurait été incapable d'ôter la "couverture" qui devait le guérir. On dit d'Héraclite qu'il ne fut disciple d'aucun maître, autodidacte entier. Aussi, il voulait que seule une élite puisse le comprendre, et pour cela il écrivait dans un style peu accessible au vulgaire - c'est à dire, obscur. Sa grande idée fut que l'Univers eut été créé par le feu, guidé par un "Destin", émergeant de forces contradictoires en équilibre. Le feu représente le centre de son système. De lui naît le Tout: le Tout finit en lui. "Lorsqu'il s'éteint, toutes choses se forment dans l'univers: de ses parties les plus épaisses, par condensation, provient la terre; puis quand la terre se distend sous l'action du feu, l'eau naturellement se forme et quand elle s'évapore, c'est la naissance de l'air. A nouveau l'Univers et tous les corps brûlent et périssent par le feu." (Aétius, recueil d'opinion des philosophes I, 3, 11, 1er siècle apr. J-C.)

22 janvier 2006

Origine de la peur

C'est la peur qui annihile.
C'est l'anticipation qui prolonge.
C'est la peur qui a le pouvoir de se détacher de la volonté.
C'est le contrôle supérieur de la volonté qui annihile la peur.
Ce contrôle supérieur est accessible par la domination de la volonté sur le temps et sur la moitié vide des choses.
La moitié vide des choses c'est ce qui est un ensemble et non un point.
Ce qui n'est pas fixe, ponctuel, individuel, est entier, indépendant. C'est ce qui dépasse et rejoint la vraie nature et le principe premier.
La domination de la peur par la conscience du mouvant est une capacité du saint [1].
L'étape suivante est la conscience de l'inspatial. Temps et espace dépassés conduisent au spirituel.
Le spirituel permet l'harmonie car l'harmonie universelle est la seule harmonie qui soit.
Acceder au mouvant ainsi qu'à l'inspatial n'est possible qu'après la conscience de la suprématie de l'être sur la volonté.
Communément, l'être est confondu avec la volonté.
Cela fait que l'être se réduit à la volonté et l'aveuglément est ainsi: penser que le soi réside dans la volonté, qu'ils ne forment qu'un seul centre de l'être.
Pour s'éléver au-dessus de la volonté il faut nécessairement cerner et discerner exactement de quoi il s'agit.
Il est difficile d'avoir conscience de ce qu'est l'endroit exact de la volonté car justement il est, chez beaucoup, le lieu même de l'être, les deux n'étant pas séparés.
Se détacher de la volonté implique un processus difficile de décristallisation.
Appliquer le non-agir taoïste ou l'absence de désir bouddhiste permet ce détachement.
S'en détacher, c'est devoir dans un premier mouvement s'opposer à soi, et réfuter ce dans quoi
et
ce de quoi se nourrit le soi.

Sans maculer le ciel, un avion passe. Ceux qui se trouve à l'intérieur de celui-ci savent-ils que je les observe ? Pareillement, sait-on que l'on est regardé et influencé de toutes parts ? Nous sommes dans un flux universel d'énergies qui nous environnent et participent à notre évolution (personnelle). Ces influences relatives sont omniprésentes et se meuvent même dans le vide car ce qui est inanimé, à défaut de nous observer, nous "maintient" et nous entoure. C'est en sachant cela que doit être considéré l'harmonie.

La connaissance est comme une nuée d'oiseaux, elle tournoie dans le ciel, se loge différemment selon les lieux où se trouve l'étudiant. (celui qui poursuit la connaissance). Un jour, elle se trouve au sol, un autre jour, sur des rochers abrupts, et un autre encore, sur les cimes des arbres les plus élevés. C'est ainsi qu'est la connaissance, toujours bruyante mais lointaine. Comment se fait-il alors que cela n'est pas devenu mirage au fil du temps ? Parfois, un oiseau est capturé. A part, il périt de la solitude et de l'isolement. C'est ainsi qu'est la connaissance humaine. L'étudiant est leurré et prisonnier de ces grands mouvements de l'esprit qui tournoient dans le ciel: l'esprit poursuit la connaissance, et en emprunte les gestes identiques.

21 janvier 2006

Que dire de l'apparence ? Sinon qu'elle permette ancrage des sens et logique évolutive ? Il faut savoir se passer de l'apparence tout en sachant qu'elle contient l'essence de la beauté et le reflet du spirituel. Certes, la logique évolutive permet la création d'une diversité mère du Beau, par-là, si le spirituel se retrouve par le miroir du vivant et est présent parmi toutes choses, c'est qu'alors chaque chose, grâce à la logique évolutive, le permet. C'est pourquoi dis-je que logique évolutive est moyen ( non pas finalité ) mis en oeuvre afin d'accéder au but dernier qui est indéterminable et nommé sous le terme de spirituel. J'en viens à la question première de ce propos: pourquoi trouve-t-on dans les choses évolutives une haute densité de spirituel, ainsi que dans ce qui les accompagne ? En d'autres termes, et sommairement: pourquoi ce qui est lié à la reproduction (et ce qui apparaît avec l'évolution) est beau, pourquoi la femme est belle, pourquoi ce qui tient à l'amour est effroyablement beau ? Ce que je veux instituer sans attendre est cela: apprendre et amener à l'amour universel, ce qui correspond à la beauté suprême, ouvrir l'homme à l'élément transcendantal de conscience indispensable à la connaissance du spirituel. Pour cela, l'homme devra traverser la zone critique et y survivre, ainsi émergera l'homme fort. L'homme commence à subir les effets du doute, mais ne peut pas encore le dépasser: la civilisation actuelle est faible, à l'image de ceux qui la constituent: elle créée un cercle vicieux que l'on ne peut casser que par le détachement, rare sont ceux qui s'y risqueraient. De tout temps l'homme éveillé a jugé préférable de se défaire de la société, de s'en retirer, sans savoir que c'est seulement de la société que peut advenir une civilisation une.

19 janvier 2006

L'indéterminé dans la société

L'homme social se confronte à une réalité quotidienne: la création de repères fictifs.
Auparavant, l'homme vivait en "groupes" d'une dizaine d'individus, autour d'un village ou ville, aux dimensions modestes. Aujourd'hui, nous voyons apparaître des sociétés tentaculaires où l'image de l'autre s'évanouit.
L'esprit ne peut plus avoir de repères "humains" dans la personnalité de proches et de l'entourage presque immédiat, ainsi que dans des personnes habituelles... Désormais, cet entourage protecteur et apaisant car source de repères existe toujours, mais est relativement dilué dans l'ensemble informe de la société.
Cela est source de crainte, car à la fois, la société ne peut rien à l'individu lorsqu'elle est fragmentaire, mais en même temps, elle agit par un agrégat de forces directrices dans lequel l'esprit est impuissant.
Toute personne, socialement parlant, est considéré par l'esprit comme une inconnue, un indéterminé. Ce qui amène à un trop-plein de possibilités, que ne peut pas accepter la volonté de puissance: cela serait trop complexe pour une seule pensée, ce pourrait rapidement devenir obsessionnel. Je veux en venir à la nature de la situation de l'être par rapport à l'indéterminé: la volonté de puissance, par réflexe défensif, créera un système de projections, de préjugés, d'a priori, qui servent d'anticipation nécessaire au calme de l'esprit. Je ne crois pas ceux qui disent n'avoir aucun préjugé, car ils projettent dans ce cas, sur l'indéterminé, un chaos, un néant, une possibilité de possibilités. Ce qui, au final, aboutit toujours à une vision déformée et surtout fausse de l'indéterminé. Par le non-agir, le détachement vis-à-vis de la volonté de puissance, l'être peut détruire ce mécanisme pernicieux.

La récolte de l'or

J'étais dans une sorte de "vallée d'intérieur", c'est à dire, on aurait dit que c'était à l'intérieur (d'un habitat), non pas en plein air. Entièrement recouverte de galets, comme sur le lit d'une rivière, quelques branches paraissaient égards, aussi quelques gros rochers, peut-être. Je cherchais et ramassais des caillous spéciaux; c'étaient des galets communs recouverts d'une couche d'or. Ils se distinguaient de la masse plutôt monotone de galets gris. Certains mais rares galets de grande taille n'étaient que dorés partiellement. Ayant amassé un pactole conséquent, j'étais maintenant dans une pièce, avec un gars qui me les mettait dans un gros pied de table, pour les protéger dans un tiroir secret. Puis, plus tard, j'en apportais en grande quantité dans une sorte d'usine (dimensions humaines) pour en extraire l'or. C'était comme une chaîne de montage, j'étais à l'extrémité, devant une machine qui rappait les rocs... J'y mettais les pierres, le rouleau compresseur poreux les faisaient rouler et peler. Pas seulement l'or était enlevé, car beaucoup de boue passait aussi. Une dame m'a aidé à enfiler des gants et un appareil, après. Elle surveillait et triait. Les barettes finales contenaient plus de boue que d'or et j'étais déçu, en comparant le résultat aux beaux galets ronds et brillants originels.

-rêve du 18 janvier

17 janvier 2006

Tao Te King

Sur ce site, il y a la traduction de Stanislas Julien du Livre de la voie et de la vertu. (Tao Te King).

16 janvier 2006

Conscience et mémoire

Il ne peut y avoir qu'un seul objet à l'esprit, les autres étant écartés et formant la mémoire.

Cette mémoire est d'abord "vive", (environ quelques journées).
Ensuite, les objets passés par la conscience, au fil du temps, se, lient, et forment une mémoire non-fragmentée.
C'est à dire que, des objets il ne va rester qu'une sensation, car les objets formeront un tout.
Essayez de vous souvenir de ce qu'il se passait il y a deux ans, par exemple. Vous ne vous souviendrez que d'une idée générale, ensuite seulement se détacheront des objets en particulier. Plus l'objet à de puissance, plus il organise le tout de la mémoire. Ces éclairs de mémoire, visions passées, chocs, etc, se détacheront proportionnellement à la force dont ils seront pourvus par l'esprit.
Les objets indésirables sont refoulés, c'est à dire que l'esprit empêche leur force d'agir et les emmène plus rapidement dans les zones inconscientes.
Le contrôle de la force est un contrôle conscient, c'est pour cela que lorsque les frontières disparaissent (dans le rêve, ou états modifiés de conscience), l'objet refoulé pourra revenir à la conscience avec toute sa force initiale.
L'objet à l'esprit (le cercle le plus imposant sur ce schéma) c'est ce que l'esprit a en conscience à un instant T. C'est à dire que l'objet en question ne reste pas longtemps, sauf si la motivation l'impose (concentration). C'est une place "au sommet" et c'est pourquoi elle est critique, difficile à préserver pour l'objet.
Pourquoi cette difficulté ? Parce que la conscience retire la force de l'objet. Ainsi, faible, d'autres objets plus forts s'accaparent la place.
L'obsession, de ce point de vue, est un trouble de la conscience, il faut se demander pourquoi l'objet garde sa force et parfois même prend une force plus grande en la soutirant au "capital-force" de la conscience. De là, nous pouvons dire que c'est un problème qui concerne la volonté de puissance, celle-ci étant l'instrument de l'esprit pour retirer aux objets leur force.

Donc:
1) Quand la conscience saisit des objets réels, elle les fait devenir symboliques/figurations, aptes à être traitées par la conscience.
2) L'objet le plus fort est à la place première tant qu'il garde sa force.
3) Quand l'esprit, par les instruments de la volonté de puissance, épuise l'objet de ses forces, il est remplacé. Lorsque c'est un objet passif, la force de celui-ci permet de garder sa place tant qu'un autre objet actif n'entrave pas ce calme. ( La méditation est l'art d'offrir une place aux objets qui nous sont invisibles tellement ils sont légers.)
4) La mémoire se forme, les objets se lient progressivement jusqu'à former un tout.
5) Ce tout englobe tous les objets ainsi que leur valeur de sensation correspondante (la force "émotionnelle" en quelque sorte) que leur donne l'esprit.
6) Ce tout sensitif de la mémoire forme l'inconscient, puis peut-être "l'inconscient collectif" ?

12 janvier 2006

Le rêve donne aux choses une dimension inattendue. Que la raison limitait !
Je veux dire par-là que certaines situations de la vie courante, certaines personnes, certains objets, nuances, atmosphères, même si insignifiantes prennent, dans le rêve, une dimension globale et integrent une intemporalité que l'on doit à l'absence de projection de la raison - ainsi que de tout ses principes réducteurs.
Il n'existe plus de cause à effet, tout est lié. Il n'existe plus de temps, les apparences sont dépassées, l'oeil est celui du coeur.
C'est cela même que je veux instaurer dans le monde. Faut-il, pour autant, se défaire des principes, terminologies, mesures ? Non pas, mais les considérer comme telles: notions qui permettent une interprétation du monde et qui ne permettent pas un éclairage sur la réalité du monde. Si l'on pense seulement le monde par la raison, l'on pense qu'à moitié. Voilà ce que je dis à tout apprentissage éducatif actuel.
Je ne fais pas non plus un éloge des émotions, car la vue du coeur, si tant est qu'elle puisse exister en dehors des nuits, dépasse de loin tout sentiment d'émotion - trop restreint.
De même, les rêves qui prennent source dans des émotions si faibles et si basses du monde quotidien, sont pourtant, dans le rêve, bien élevées au dessus de leur vile nature.

10 janvier 2006

Yves Bonnefoy - Une pierre

UNE PIERRE

Ils ont vécu au temps où les mots furent pauvres,
Le sens ne vibrait plus dans les rythmes défaits,
La fumée foisonnait, enveloppant la flamme,
Ils craignaient que la joie ne les surpendrait plus.

Ils ont dormi. Ce fut par détresse du monde.
Passaient dans leur sommeil des souvenirs
Comme des barques dans la brume, qui accroissent
Leurs feux, avant de prendre le haut du fleuve.

Ils se sont éveillés. Mais l'herbe est déjà noire.
Les ombres soient leur pain et le vent leur eau.
Le silence, l'inconnaissance leur anneau,
Une brassée de nuit tout leur feu sur terre.

(Les planches courbes) D'autres poèmes dans le forum.

L'idée de déformation

étendre le pouvoir de la figuration au domaine des mouvements intérieurs, des mouvements de l’esprit (Artaud)

Un système de filtres
constitue l'intermédiaire entre notre esprit et l'extérieur. Notre esprit est tel une bulle dans la bulle universelle. (sentiment de hiérarchie).

Ce multifiltre, composé des "calques" de notre esprit, est une frontière déformante.
Cette déformation est d'ordre symbolique.
La tradition psychanalytique veut que les mouvements et objets extérieurs, lorsqu'ils sont intériorisés, deviennent figuratifs et symboliques. Ceux-ci, en effet, ont traversé la frontière du multifiltre.
Ce que je remarque, est que l'inverse est également valable. Les mouvements de notre esprit, lorsqu'ils sont extériorisés, deviennent symboliques, figuratifs. C'est la genèse des arts.

Il y a donc une dynamique entre extérieur et intérieur, qui peut être dit comme cela:
Les mouvements extérieurs, intériorisés, deviennent figuratifs/symboliques.
Ces figures et symboles créent, au sein de l'esprit, un mouvement.
Ce mouvement, extériorisé, devient symbolique/figuratif.
Ce sont par ces symboles et par ces figures que nous interprétons le monde et que nous lui apportons un sens.

C'est ce même dynamisme qui nous fait engendrer des lois comme celle de cause à effet, car les objets extérieurs, vêtus d'une figure, symbolisés, peuvent entrer dans une logique interprétative. La raison est ce qui organise ces interprétations.
Et, la raison créé le mouvement,
et, de la raison nait l'art.


L'homme est une machine à figurer, car, en effet, il transforme et symbolise tout les objets extérieurs afin de leur donner une valeur, de les comparer, de les classifier, etc.
Encore une fois, ce principe de l'esprit provient de la volonté de puissance, laquelle, pour avoir l'illusion de dominer l'environnement, doit classifier, considérer, "valoriser"...
Ainsi, de créer une terminologie des forces invisibles de la nature, permettait aussi de les dominer. Ce fut le début des religions.
Il en est de même pour nos modèles de société; nous avons érigé des chefs car ceux-ci ont une domination sur le peuple et le peuple est ainsi rassuré de lui-même, car en louant un chef, il loue sa faculté de dominer les autres. L'esprit est alors apaisé.
Dans un autre registre, les affections mentales aujourd'hui assez fréquentes, dont TOCs, ou le simple fait d'être maniaque, démontre un surplus de cette volonté de puissance, certainement frustrée d'un côté - elle rejaillit alors d'un autre, dans des comportements absurdes. On pourrait les nommer "troubles de la puissance".
Les traditions permettent également une symbolisation du temps.
Et si nous continuions à observer la nature humaine, nous pourrions constater que ses moeurs sont uniformément induits par cette-dite figuration/symbolisation qui prend source dans la volonté de puissance.

Habituellement, c'est la figuration/symbolisation qui est déterminante dans nos liens et échanges relationnels sociaux.
Il y a deux idées courantes que l'on utilise pour, à soi-même, se prêter quelque considération:

-l'a-priori: nous entendons souvent que, la morale insiste sur le fait qu'il ne faut pas se faire d'a-priori sur les personnes que l'on rencontre, et même parfois nous entendons qu'il faut juger quelqu'un non pas sur l'idée première que l'on se fait de lui, mais sur ses actes, selon s'ils correspondent ou non la morale, s'ils sont bien ou mal. Par-là, l'individu sera catégorisé dans l'ensemble de personnes qui font du bien donc qui sont des gens de bien, ou inversement. Il subsiste cependant l'idée que certaines personnes font parfois du bien, ou parfois du mal, selon leur bon vouloir, selon leurs humeurs, selon le hasard. Les personnes que l'on ne connaît pas sont, quant à elles, évaluées sur leurs premiers aspects, ce qui engendre inévitablement des a priori. Former des a priori permet, facilement, un sentiment de domination qui flatte la volonté de puissance. Pourtant, de ne pas former d'a prioris est également un moyen détourné de la volonté de puissance, car, chez certains humanistes, gens sympathiques, étendant leur bienveillance sur ceux qui les entourent, ceux-là, ont appris que l'ouverture aux autres avec gentillesse et générosité est aussi un moyen de domination efficace. L'hostilité des esprits réfractaires, leur agressivité naturelle, ne permet pas un aussi fort sentiment de puissance, car leur désobligeance entraîne une réciprocité désarçonnante. Elle créé chez les autres une contraction d'esprit secondée par une méfiance périlleuse. La volonté de puissance est alors froissée, c'est pourquoi les attitudes aigres et mauvaises envers autrui ne s'expriment en général que pendant des périodes de vie, rapidement effacées par une ouverture aux autres, un charme, nettement plus délectable pour la volonté de puissance. Aimer, c'est dominer.
J'étais toujours méfiant envers ces personnes qui aiment lorsqu'elles ne sont pas animées d'une passion dont le surjaillissement forme un amour envers autrui. Il n'y a que les passionnés qui aiment qui sont crédibles à mes yeux.

-le jugement: contrairement à l'a priori qui est une étincelle, le jugement est une calcination. Le jugement referme et emprisonne. Ce qui est source de bien ou de mal, pour l'esprit, est classifié, et le jugement découle d'une comparaison. Cette comparaison est majoritairement inconsciente, ce qui a fait du mal dans le passé est latent et réapparait lors de la comparaison avec un object nouveau. Il en va de même pour ce qui a fait du bien. Il est alors une tradition inconsciente des objets sources de mal et objets sources de bien. Lorsque, à l'instant présent, il y a une majorité d'objects sources de mal autour de soi, il existe alors une sensation de malheur, et inversement, s'il y a une majorité d'objets source de bien, existe le bonheur (relatif). Il n'est pas besoin de beaucoup d'objets source de mal ou de bien, un seul peut suffir. La subtilité sur laquelle je veux insister ici, c'est que cette tradition provient également de l'imaginaire. Les objets sources de mal ou de bien peuvent advenir de l'expérience réelle ou imaginaire. Par exemple, la maladie, même si elle n'a pas été vécu, a été imaginé et est source d'un malheur important dans la tradition personnelle. Si la maladie subvient, sans même qu'elle ne soit vécue, elle est tout de suite catégorisée comme un grand mal car elle a été imaginée. C'est là que des troubles peuvent se former. Car l'imaginaire est très aléatoire, il peut considérer tout objet comme mal, tout objet comme bien, car il ne l'a pas vécu. Il créé des hypothèses, de ces axiomes, il instaure un jugement de valeur à l'object dont l'axiome est question. J'en viens, pour finir, à l'idée d'étonnement. L'enfant, dépourvu des obligations reproductives et des instincts d'évolution, n'a pas encore catégorisé ce qui l'entoure. De ce fait, il s'étonne de toutes choses. Puis, avec le temps, les choses perdent leur aspect novateur, car l'individu aura imaginé presque tout ce qui l'environne. La venue de la volonté de puissance signe la mort de la beauté originelle.

9 janvier 2006

Nous sommes une cavité, notre imaginaire, ce sont les échos déformés des voix qui nous arrivent de l'extérieur, et puis de celles que nous produisont, ainsi de suite. Ces échos se perdent, forment un bruit de fond, cela fait la conscience. La conscience, après tout, n'est que le sentiment d'entendre et de développer quelque chose qui vient de soi. Nous émettons et recevons comme lorsque nous tentons d'envoyer des messages dans l'univers: en vain. Au fur et à mesure de notre existence, nous tentons d'agrandir notre cavité, mais cela c'est quand nous sommes plein de forces et de hargne et d'envies, mais quand la pulsion de vie vacille, les parois de notre caverne se referment sur nous, nous avilissent, nous atrophient. Pareillement à nos pensées, même si parfois, nous en émettons de grandes, nous oscillons: c'est le choc en retour. Moins nous pensons, moins il y a de contres-pensées, plus nous sommes stables. C'est ainsi qu'est l'animal, mais je ne l'envie pas, je ne m'envie pas, je ne connais pas la jalousie, car je connais très exactement ma situation terrestre et son caractère dérisoire, faible, incapable, par-delà le risible.
Des cendres, il naît effectivement un phénix, mais au fur et à mesure des destructions et renaissances, je perds de ma force, je suis ineffablement destiné à la perte, bien que le pire ne soit pas la perte en elle-même, mais le préssentiment intemporel qui nous devance toute notre vie durant.

7 janvier 2006

Abandon, raison, et condamnation

Quand un mécanisme complexe est mis en route, rien ne peut plus l'arrêter, car on ne sait comment faire. Voilà l'impression que j'ai de ce manteau d'angoisse par-dessus moi-même. Ce n'est pas la fuite qui pourrait m'être de secours. Pendant les orages, c'est sous les arbres que l'on est le plus vulnérable. Et les grottes sont peuplées de bêtes malveillantes. Que faire alors ? Se dissoudre et se fondre dans l'espace-temps et attendre, attendre encore, des jours meilleurs ? Je crois que rien ne puisse m'être judiciable, et tout continue à tourner autour de moi. C'est la nature de l'obsession - ce n'est pas nous qui tournons autour du piquet maudit, c'est lui, pourvu d'ailes de vampire, qui voltige autour de nous. A chaque instant, le monde est susceptible de s'effondrer. Est-ce attendre une condamnation absurde ? Mon esprit tangue entre idée de sort et d'abandon. Je suis livré au sort de l'abandon et à l'abandon du sort. C'était un démon qui se trouvait au dessus de mon berceau, ce sont des écailles qui me grattent déjà. Il est probable que chacun soit abandonné. Ceci dit, personne ne le sait. L'intelligence est une farce, un sursaut des enfers. La lucidité est une chose malheureuse. Serais-je en avance ? Mais les choses deviennent graves et s'apesantissent. Rions ! Dansons !

6 janvier 2006

Est imprévisible celui qui sait où se situe l'autre avant que l'autre ne le sache.
Est imprévisible celui qui parvient d'une phrase à faire imploser une idée reptilienne.
Est imprévisible celui qui se situe hors contexte quand la raison s'y cadenasse.
Est imprévisble celui qui créé des parallèles inattendus.
Je n'ai aucune considération envers le système éducatif actuel, lequel enseigne que la base de la connaissance et du raisonnement se situe dans la capacité à former un engrenage logique de concepts - cela ne prouve qu'une capacité de discernement et de mimétisme, car chacun s'adapte à des raisonnements types pour parvenir à des conclusions types. Mais cela, c'est de l'abrutissement.
Cette démarche pèse de toute son absurdité !
Et je préfère l'imprévisibilité.
J'admire la capacité à produire quelque chose de neuf, souvent par le biais d'un raisonnement par analogies.
La spontanéité dépasse la pesanteur d'esprit de rouages complexes. La difficulté que l'on distingue chez les penseurs de dire, de créer, ou de conclure, révèle la rouille de leur esprit. C'est pourquoi un courant d'air suffit les dépouille de leurs vêtements pourpres. Les sentiers battus sont pour les faibles, il n'y a plus de diversité parmi les herbes qui les bordent. Et les champs de la connaissance deviennent stériles: ici se reposent et paissent les ruminants de la pensée.
L'imprévisibilité, est, en soi, une simplicité. Le vice n'a pas le temps de s'y enfouir, il n'y a pas assez de sable pour que le crustacé s'y enterre.

3 janvier 2006

Finalement, je n'ai pas changé. Je veux dire, qu'entre 10 et 13 ans, tout a été démantelé, bâti, détruit, rafistolé, expérimenté, apprécié, inventé. Physiquement comme psychiquement, j'ai été introduit dans le contre-étonnement. Par là je veux dire que l'enfance a été l'ère de l'euphorie, comme le sont les explorateurs. J'étais et vivais dans l'instant. réagissant aux choses au cas par cas et jour après jour dans la continuité des jours et la surprise des cas. Je me souviens de mes pensées et de mon fonctionnement cérébral de cette époque. C'était la passion continue, l'ennui discontinu, la pensée continue, l'émotion discontinue. Désormais, je n'appartiens plus au temps, c'est un esclave, et l'on sait que les esclaves nourrissent des mauvaises pensées à notre égard, laquelle finit par nous influencer. Cela renforce l'esprit de pesanteur: c'est une résultante quantitative qui l'a créé. A partir de 13 ans, je ne semble pas avoir changé. Je domine et cette domination amplifie la solitude: je me suis défait de ces choses qui avant m’entraînaient et me dominaient. Ainsi, il reste l'être, seulement. Ces trois années furent marquées par une unique constante; le doute. Jadis, je doutais de moi et acceptais l'extérieur comme immuable, maintenant, le doute du monde tout entier s'ajoute au doute primitif. Le plus étrange dans tout cela, c'est que je me plaignais du changement lorsque je changeais, et maintenant je me plains parce que rien ne change ! C'est comme si j'étais au sommet d'une pyramide de domination, et par-dessus toutes choses l'univers m’apparaît comme un gouffre béant. Je recherchais les hauteurs, je m'étais pourtant trompé. Je les avaient confondues avec les profondeurs, car ces dernières reflétaient de manière plus tentante le goût des hauteurs. En vérité, virgules et points d'exclamation se sont transformées en points d'interrogation et de suspensions. Je croyais certains auteurs comme des profondeurs, mais j'ai réalisé que ce n'était que des photographies des profondeurs, les auteurs ne vont pas au-dedans du gouffre, ils en contemple l'intérieur comme s'ils y étaient, mais ils n'y sont pas. C'est ainsi que je fus abandonné. Puis je m'envolais des profondeurs. Les échos de ma voix m'effrayèrent. Ainsi, c'est toujours au milieu de tout cela que je fus, entre les hauteurs et entre les profondeurs. Dans le doute et l'incompréhension.

Les crocodiles

Dans le fleuve de la vie,
Il y avait des crocodiles.
Et beaucoup.
Si bien qu'entraîné par les eaux,
nous ne pouvions n'être que fatalistes.
Les sources étaient belles,
et nous étions mélancoliques de ces sources.
Nous ne devenions tristes,
que lorsque nous pouvions regarder
aussi bien à l'avant qu'à l'arrière.
La vie dès lors,
nous paraissait trop tranquille.
Les crocodiles mordaients,
nous projetaient dans les eaux,
et nous périssions plus tôt.
Aujourd'hui les crocodiles sont morts.
L'homme a tué,
tous les crocodiles.
Et tout est devenu pire encore,
Car les crocodiles sont fantômes,
Car les crocodiles sont des incarnations malfaisantes,
Car les crocodiles sont des mystères,
Ainsi, les crocodiles peuvent être,
de toutes les couleurs.
Voilà la pire des choses modernes,
Nous avons fait de l'existant,
quelque chose de revenant.
Nous avons fait de l'existant,
des monstres absents.
Nous avons peur.
Personne ne sait plus,
où se trouve les crocodiles d'antan.
Personne ne sait plus,
Ce qu'est le discernement.
Et,
Nous avons peur.