Il n'est aucun empire humain, Au dessus de moi je ne vois que des oiseaux de mer.

6 septembre 2005

C’était une longue nuit. Il faisait froid. Je ne sais pas si c’était lié, la température et la durée des choses. Mais on aurait dit que ça n'aurait pu être autrement, comme la couleur des objets, c’était toujours la même, et maintenant, tous les objets qui m’entourent sont de la même couleur, ils ne s’animent pas, ils m’inquiètent, leur proximité, ils m’intègrent dans leurs dimensions. Et le temps s'allonge, le temps de guimauve entre en moi, se loge dans les creux de ma lucidité… Et je sais plus comment et à quoi je me tiens, si je me tiens encore, tellement je suis accablé ou pesant, tellement je ne me tiens plus parmi mes objets. Je suis la possession de ces objets-là, ne pouvant être sans ces réminiscences et ces corps, il est vrai, je ne pourrais être tant moi-même… Dans les artefacts de mes objets, qui m’occupent, qui me tirent à eux, et m’ôtent de moi-même ma capacité à la réflexion, ils me contraignent à penser à eux…et quand je pense, c’est obligatoirement à un objet courant. Dans ma multitude d’objets, passent de nombreux projectiles qui m'emportent dans leurs sillons, ils changent les faciès de ce que je suis, et ce, contre mon gré ! Il y a aussi certains corps-objets qui gravitent, d’attirance supérieure et en lesquels je suis prisonnier…, je les appelle états d’esprit, je les appelle névroses. De penser cela [une chose quelconque], et cela [telle autre chose quelconque], à ce moment-ci, puis maintenant, puis demain, c’est une principale source de non-être [ne pas être soi]… ce que je pense devrait être ce que je suis, et pourtant, de penser à telle chose, c’est attacher toute une mécanique à l’objet, tellement elle s’y lie et y adhère ses engrenages que, je suis retiré à moi ! Voilà pourquoi je ne suis que par l’oubli. Ne pas être la pensée d’un objet [« pensée objective »] qui se projette en moi par la force, y résister, ceci est mon idéal, le véritable oubli, non celui qui est de disparaître en quelqu’un, ou en un paysage ou dans la musique par exemple, mais celui bien réel de disparaître dans ce que je suis réellement, ceci est l’objet de mon aspiration aux idéaux… Mais, sans les objets qui créent une réflexion en moi-même, que peut-il rester de mon être [de ma "conscience d'être"] ? Devrais-je toujours penser à un objet quelconque pour que cette pensée soit devenue ce que je suis[1], et que de cet endroit je veuille m’en retirer à cause du mal-être de l’esprit qui n’est pas libre ? On ne pense que si la pensée s'attache à un objet, ainsi, en pensant, je ne suis pas, je suis une projection aliénée, soudée à cet objet par un flux qui me fusionne à lui… Par la pensée, j’existe en tant qu’entité pensante qui est une pensée parasite aux objets auxquels elle se projette et se tient, mais je ne suis pas !

[1]Ce que je suis est conditionné par ce que je pense.